Section 3I
La résidence des comtes d'Anjou
État 1(1044-1060/68) et État 2 (1130-1140)
Aperçus sur les techniques de construction
Élisabeth Lorans et Daniel Prigent

La localisation de la résidence dans l'angle nord-ouest de l'enceinte urbaine a autorisé le remploi de deux murs antiques pour le corps de bâtiment principal :
la construction nouvelle s'est ainsi limitée aux murs est (M14) et sud (M10) et à la tour d'angle (Fig.3I.1-ti).
L'examen des techniques de construction mises en oeuvre dans cette réalisation est d'autant plus intéressant que l'on a affaire à une construction très homogène, dont l'essentiel des vestiges découverts par la fouille appartient à l'état initial du bâtiment érigé entre 1044 et 1060 :
ce site offre donc un jalon précieux pour la connaissance du travail de la pierre en France de l'Ouest au milieu du 11e siècle, en particulier pour l'étude du développement de la construction en moyen appareil.

1. Les tranchées de fondation et les niveaux de construction

L'analyse stratigraphique indique que la construction a commencé par la tour :
les déblais provenant des tranchées de fondations des murs de la tour furent laissés sur place et formèrent un monticule appuyé contre la face nord de la tour et retenu à l'ouest par un mur de pierres sèches parallèle au mur oriental de la grande salle, M14 (Fig.3I.2-ti, 3I.3-ti à 3I.4-ti, 3I.60-ic, 3I.61-ic, 3i.62-ic) (Galinié 1977 : 98).
Les tranchées d'implantation des murs sont très larges :
plus de 5 m pour M14, plus de 8 m. pour M10 et M5, les murs sud de la grande salle et de la tour (Fig.3I.8-ti).
A l'intérieur de la tour d'angle, une même tranchée circulaire fut utilisée pour la mise en place des soubassements des quatre murs (Fig.3I.5-ti).
Epais de 2,60 m, le mur oriental (M14) a été implanté dans une tranchée (F247) aux bords évasés dont l'ouverture mesurait jusqu'à 5 m de largeur, au niveau des contreforts, pour une profondeur de 3 m (Fig.3I.6-ti, 3I.16-ti).
Le resserrement de la tranchée n'a pas permis d'atteindre la base du mur sauf dans l'angle sud-est de la grande salle (Fig.3I.16-ti), observé néanmoins sur une hauteur d'environ 5 m.
La tranchée F147 a été comblée peu à peu, à mesure de l'élévation de la maçonnerie principalement par des couches terreuses déposées à plat puis scellée par l'épandage de déchets de construction sur une cinquantaine de centimètres d'épaisseur (Figs. 3I.6-ti ; 3I.7-ti, 3I.60-ic, 3I.61-ic, 3I.62-ic).
Dans la tranchée sud, très large, des couches de travail temporaires ont contribué au comblement (Fig.3I.8-ti).

Deux aires de travail identifiées
La première, dédiée au travail de la pierre et au gâchage du mortier, était située à l'est de la grande salle (zone 6) et devait se prolonger plus au nord (zone 7) (Fig.3I.9-ti).
Les déchets de taille ont été utilisés pour combler la dépression qui se trouvait entre le tas de déblais mentionné plus haut et le mur est de la grande salle.
En zone 6, la campagne de construction a entraîné une élévation moyenne du sol d'1,20 m dont 0,40 m sont constitués d'une succession de couches de travail :
sable inutilisé après criblage, croûtes de ciment durcies sur place après la préparation du mortier et déchets de taille de pierre se succèdent (Figs.3I.10 et 3I.11-ti ; 3I.62-ic).
La seconde aire de travail était localisée dans la grande salle elle-même ainsi qu'en témoignent des foyers contre le mur de l'enceinte et la présence d'un bloc de pierre grossièrement équarri inutilisé (Figs. 3I.12-ti, 3I.13-ti, 3I.14-ti).
En revanche, aucune aire de travail n'a été identifiée au sud de la résidence, dans les zones 1, 2 et 3, hormis celle de la tranchée de fondation mentionnée ci-dessus.
Au pied du mur sud (M5) de la tour d'angle ont été observées de fines couches de mortier rose scellant le comblement de la tranchée de fondation et provenant de l'enduit des joints rubanés (Fig.3I.64-ic).
Un puits (F37) fut creusé au centre de la tour d'angle, sa tranchée d'implantation comblée par des déchets de taille identiques à ceux trouvés ailleurs sur le site dans les niveaux de construction (Fig. 3I.15-ti).

2. Analyse des maçonneries

Cette analyse repose d'une part sur un examen visuel de toutes les maçonneries (Figs3I.16-ti, 3I.17-ti, 3I.18-ti, 3I.19-ti, 3I.20-ti, 3I.21-ti et 3I.63-ic, 3I.64-ic, 3I.65-ic, 3I.66-ic, 3I.67-ic, 3I.68-ic, 3I.69-ic, 3I.70-ic, 3I.71-ic, 3I.72-ic, 3I.73-ic, 3I.74-ic, 3I.75-ic, 3I.76-ic, 3I.77-ic, 3I.78-ic) dont seule la partie correspondant à l'élévation était encore visible à l'intérieur du bâtiment au moment de l'étude, d'autre part sur une étude statistique de l'appareil, menée avec la collaboration d'Olivier Marlet, en décembre 2001 (archives LAUT).
Ce travail, dont les principales conclusions sont reprises ici, a complété les premières observations sur la mise en oeuvre des matériaux effectuées au moment de la fouille (Galinié 1977).

- Caractéristiques générales de l'appareil
Les murs de la résidence, grande salle et tour, se caractérisent par une forte épaisseur de 2,60 m pour un parement proportionnellement peu important d'environ 0,25 m.
Le matériau employé est essentiellement un calcaire turonien, le tuffeau jaune, dont l'origine peut être proche.
Le blocage est constitué de moellons liés au mortier de chaux de couleur blanchâtre, à granulométrie grossière.
Quelques terres cuites architecturales ou lames de pierre ont été insérées verticalement entre les pierres de taille en moyen appareil qui constituent l'essentiel de la maçonnerie, selon une technique courante au haut Moyen Age et qui se poursuit au 11e siècle (Figs 3I.22-ti, 3I.71-ic).
En outre, des pierres de taille de grand appareil ont également été employées dans les contreforts (Fig.3I.23-ti 3I.24-ti, 3I.25-ti, 3I.26-ti, 3I.27-ti) :
il s'agit de blocs antiques en remploi, comparables à ceux qui ont été utilisés au 4e siècle dans les soubassements de l'enceinte où les constructeurs du Moyen Age les ont prélevés.
Des tranchées de récupération de ces blocs, extraits de la courtine ouest (M1) de l'enceinte, ont été mises au jour dans les zones 1 et 8 (voir, par exemple, Figs 3A.31-ic et 3A.38-ic).
Les blocs des contreforts du mur oriental (M14) correspondent à deux assises des parements compris entre ces contreforts (Figs 3I.25-ti, 3I.27-ti). Dans ce petit ensemble, la longueur moyenne des blocs est de 831 mm pour une hauteur moyenne des deux assises les plus importantes de 409 mm.
Un petit appareil à joints couvrants a aussi été utilisé à de nombreuses reprises, notamment sur une longueur d'environ 11 m, du nord au sud, pour le parement intérieur et extérieur du mur M14 (Figs 3I.28 et 29-ti, 3I.34-ti, 3I.51 et 3I.52-ti).
De plus, les parements ont été généralement traités différemment : en parties basses, destinées à être dissimulées, les joints sont de mortier de chaux alors que dans les parties supérieures, visibles, les joints rubanés ont été garnis, sur une profondeur de 2 à 4 cm, de mortier à tuileau (Figs. 3I.30-ti, 3I.31-ti).

- Soubassements et fondations
D'une manière générale, l'élévation des murs ne se distingue pas de leur soubassement, destiné à être enfoui, par les matériaux et leur traitement, si ce n'est par les joints.
Les murs sont montés le plus souvent avec leur parement depuis leur base, notamment dans les chaînages des angles des murs (Figs 3I.16-ti, 3I.63-ic), et dans une tranchée très large, comblée peu à peu.
Les parties inférieures du soubassement des murs et des contreforts montrent néanmoins un usage plus dense et parfois exclusif de petit appareil (Fig.3I.5-ti, 3I.7-ti, 3I.27-ti, 3I.32-ti, 3I.34 et 35-ti, 3I.42-ti ; 3I.65-ic, 3I.68-ic, 3I.69-ic, 3I.70-ic).
Les ressauts observés sur la face interne des murs de la tour, à des niveaux différents, ne correspondent pas au sommet des fondations (Figs 3I.5-ti, 3I.19-ti, 3I.63-ic).
Dans cette même tour, l'angle sud-est (M5-M8) repose sur un arc de décharge en plein cintre destiné, semble-t-il, à répartir la charge du mur de part et d'autre du mur des thermes M34 (Figs.3I.19-ti, 3I.33-ti).
La maçonnerie des fondations repose sur de gros blocs de pierre (meulière) dans l'angle des murs M6/M10 de la grande salle (Fig.3I.16-ti, 3I.69-ic) ; de même, dans les murs M7/M8 des blocs sont utilisés pour assurer l'assise sur le mur antique M34 (Fig.3I.63-ic).

- Petit appareil
Il faut distinguer ici, malgré la faiblesse relative des séries mesurées, les parements externe et interne du mur oriental de la grande salle (M14).
Les moellons du parement interne sont régulièrement assisés (Fig.3I.34-ti).
Les longueurs sont assez régulièrement réparties entre 7,5 cm et 17,5 cm (85 % des valeurs).
Les hauteurs sont également distribuées pour l'essentiel (93 %) entre 8 et 13 cm.
L'allongement est assez marqué. La dispersion des valeurs des surfaces (en réalité du produit H x L) est assez faible (s = 41 cm2), comme c'est habituellement le cas au 11e siècle, alors qu'elle est devenue bien plus forte ultérieurement.

Les moellons employés pour le parement externe du même mur présentent des caractéristiques distinctes (Figs 3I.32-ti, 3I.35-ti).

Diagramme de dispersion des valeurs des hauteurs et longueurs des moellons

Les valeurs moyennes des longueurs (85 % comprises entre 7,5 et 27,5 cm) et des hauteurs (90 % comprises entre 9 et 17 cm) sont plus élevées ; leur distribution est également plus étalée. L'allongement en hauteur est aussi moins important.

- Moyen appareil : description
L'essentiel des pierres de taille est en moyen appareil (Figs. 3I.5-ti, 3I.16-ti, 3I.18-ti, 3I.19-ti, 3I.19-ti, 3I.21-ti, 3I.22-ti, 3I.25, 3I.26, 3I.27-ti, 3I.30-ti, 3I.39, 3I.40, 3I.41, 3I.42, 3I.43, 3I.44, 3I.45-ti, 3I.47, 3I.48, 3I.49, 3I.50, 3I.51, 3I.52-ti ; 3I.63-ic, 3I.65, 3I.66, 3I.67, 3I.68, 3I.69, 3I.70, 3I.71, 3I.72-ic).
La longueur moyenne est assez forte (412 mm) et la dispersion prononcée (s = 97 mm) s'explique par le net aplatissement de la courbe.

Les hauteurs des pierres se répartissent clairement en six modules au sein desquels la dispersion est assez élevée.
Pour une même assise, les hauteurs appartiennent, sauf exception, à un même module mais on peut observer une forte hétérogénéité au sein d'un même mur, comme le montre la face externe du mur nord de la tour (Fig.3I.18-ti).
Le layage, obtenu au marteau taillant, est irrégulier, haché.
Les inclinaisons des coups sont pour l'essentiel proches de l'horizontale (environ 15°), mais peuvent présenter une variation non négligeable sur une même face de parement où la présence de deux familles d'inclinaisons a été observée sur plus du quart des pierres examinées, une proportion sans doute bien inférieure à la réalité, nombre de faces de parement ne conservant plus que des traces ténues de layage (Figs 3I.36-ti 3I.37-ti, 3I.38-ti, 3I.39-ti).
Les joints, rubanés, sont très larges, les joints montants présentant une épaisseur moyenne (28 mm) peu inférieure à celle des joints de lit (32 mm) (Fig.3I.18-ti, 3I.66-ic, 3I.71-ic).
Ces joints sont incontestablement d'origine puisqu'on les observe au-dessous du niveau du sol contemporain de la construction de l'édifice, dans les tranchées de fondation, et que des déchets de ce mortier ont été retrouvés au pied du mur sud de la tour (M5), tombés au sol pendant que ces joints étaient dressés (Fig.3I.64-ic).

Grande salle et tour d'angle :
- Répartition en moyen appareil : histogramme de répartition des longueurs, hauteurs, épaisseurs des joints.
- Diagramme en rose de l’inclinaison du layage par rapport à l’horizontale et histogramme de fréquences du nombre de coups portés sur une hauteur de 10 cm.

- Moyen appareil : comparaisons
Les principales caractéristiques du moyen appareil de l'édifice - existence de véritables modules de hauteur présentant néanmoins une dispersion assez marquée, joints rubanés et très gras, layage grossier à double inclinaison - se rencontrent en différents bâtiments angevins ou tourangeaux, avec généralement un gabarit moyen plus faible. Certaines d'entre elles disparaissent vers la fin du 11e siècle ; le layage devient alors plus fin, l'inclinaison plus régulière, les joints rubanés disparaissent.
L'appareil peut notamment être rapproché de celui du mur occidental de la grande salle du palais épiscopal de Tours, qui se dresse encore à quelques dizaines de mètres au sud de la résidence comtale et dont les parties les plus anciennes sont attribuées au 11e siècle, principalement sur la base des matériaux et de leur mise en oeuvre (Saint-Jouan, Carré 2001 : 26-27). On y observe à la fois la présence de moyen appareil (de gabarit plus réduit) et de moellons ; les traces de layage sont également peu inclinées, ce que l'on rencontre rarement sur les autres édifices étudiés en Val de Loire (Prigent 2001).
L'appareil de la tour-maîtresse de Loches, dont la construction a été attribuée aux années 1010/1013-1030/1035 sur la base de nombreuses analyses dendrochronologiques (Dormoy 1997 ; Mesqui 1998 : 100-109), est également très proche bien que l'inclinaison du layage soit toutefois un peu plus forte (Prigent 2003 : 24-25). Vers le milieu du 11e siècle, le moyen appareil du castrum de Montsoreau présente un layage grossier à double inclinaison plus forte, ainsi qu'un gabarit moyen plus faible mais on y relève également une dispersion assez prononcée au sein des quatre modules de hauteurs (Prigent 2003 : 25).
Les sites étudiés sont plus nombreux dans l'architecture religieuse. L'appareil de l'escalier de la tour Charlemagne, qui se dressait à l'extrémité du bras nord du transept de la collégiale Saint-Martin de Tours, est assez proche de celui de la résidence, avec cependant une inclinaison plus marquée. Au déambulatoire de l'abbatiale de Beaulieu-lès-Loches, en partie basse, les valeurs de longueurs et hauteurs sont comparables, avec simplement trois modules, mais d'écart-type similaire. Le layage est un peu plus incliné, mais on retrouve deux familles de traces et la densité des coups est proche. Les épaisseurs de joints sont en revanche un peu plus réduites. On peut aussi noter, comme à Saint-Martin d'Angers, au Ronceray d'Angers, à Saint-Florent de Saumur, l'utilisation de plus petits gabarits, des dispersions au sein des modules un peu plus limitées un peu plus limitées au sein des modules.

- Les trous de boulin d'échafaudage
Les murs, conservés sur une hauteur d'1,60 m au-dessus du sol extérieur pour le corps de bâtiment principal et de 3,80 m pour la salle basse de la tour, offrent peu de prise à une analyse des techniques d'échafaudage.
La répartition et la facture des trous de boulin, hétérogènes, soulignent la différence de mise en oeuvre entre les deux tiers nord environ de la face interne de M14, où domine le petit appareil, et le reste de la construction presque exclusivement en moyen appareil (L'échafaudage? 1996 : 47-53).

Tableau de mesures des trous de boulin

dans le mur oriental M14
La face interne de M14 présente deux rangées de trous de boulin dans le tronçon nord du mur, sur une longueur d'environ 11 m correspondant à la portion construite pour l'essentiel en petit appareil (Fig.3I.40-ti) :
la plus basse est située à environ 1 m du niveau de construction initial, déterminé par le niveau de creusement de la tranchée de construction (F 247) autour de 49,50 m NGF.
L'écart entre les deux rangées, mesuré à la base des trous, augmente du nord vers le sud en passant de 40 à 58 cm, ce qui correspond à une assise de moyen appareil puis à deux (Fig.3I.28-ti).
Cette variation résulte de l'implantation inclinée de la rangée inférieure, alors que la rangée supérieure ne montre presque aucun décalage de niveau, seuls les deux derniers trous (n° 14 et 15) au sud, où la rangée inférieure n'existe pas, se distinguant du reste du lot par un écart de 5 à 6 cm vers le bas.
Dans la majorité des cas, les paires de trous, au nombre de six, ne sont pas superposées mais la rangée supérieure est légèrement décalée vers le nord.
Les intervalles entre les trous de boulins sont beaucoup plus variables dans la rangée inférieure que dans la rangée supérieure.

Tous les trous de boulin présents au sein du petit appareil sont maçonnés, avec l'emploi d'une pierre de bon calibre en guise de linteau (Fig.3I.41-ti).
Dans le segment présentant deux assises de moyen appareil, les trous de boulins inférieurs sont placés immédiatement sous l'assise la plus basse.
Dans la partie méridionale du mur, construite entièrement en moyen appareil, on observe en tout et pour tout deux trous de boulins façonnés (n° 14 et 15) au sud de la porte, mais un bouchage constitué de deux fragments de brique (ou d'une brique fendue) en signale peut-être un troisième au nord de l'accès (n° 13).
Au sein d'une même rangée comme d'une rangée à l'autre, les largeurs et hauteurs des trous présentent des différences qui ne paraissent pas significatives, alors que la profondeur distingue davantage les deux rangées :
entre 0,67 m et 0,75 m pour la rangée inférieure contre une variation comprise entre 0,63 m et 1,02 m pour la rangée supérieure, la majorité des trous ayant une profondeur supérieure ou égale à 0,80 m, soit environ le tiers de l'épaisseur du mur.
On doit s'interroger sur la disposition de ces deux rangées de trous de boulin qui présentent un intervalle de hauteur si faible :
ce constat comme l'insertion de blocs de moyen appareil à ce niveau peuvent-ils révéler une interruption du chantier ?
Sur la face externe, de l'extrémité nord du mur jusqu'au contrefort sud, c'est-à-dire sur le même tronçon que sur la face interne, on observe deux rangées de trous de boulin dont l'écart, de base à base, varie entre 0,71 m et 0,82 m, correspondant à l'insertion de trois assises (Fig.3I.42-ti).
Les intervalles entre les trous de boulin paraissent plus réguliers qu'à l'intérieur (Tableau des mesures).
Entre le contrefort sud et la tour, sur une longueur de plus de 9 m, seuls deux trous de boulin sont visibles au niveau supérieur, comme c'est le cas sur la face interne.
Les trous de boulin de cette face, entièrement édifiée en moyen appareil, ont tous été façonnés, à part égale dans lA?e centre ou dans un angle des blocs (Tableau de mesures).
L'observation des trous de boulin met en évidence le lien étroit qui existe entre leur facture et le type d'appareil :
trous maçonnés dans le petit appareil, trous façonnés dans les blocs de moyen appareil.
La forte épaisseur du mur a conduit à utiliser des échafaudages distincts pour chaque face, en plaçant les platelages à peu près en vis-à-vis et à une hauteur comparable de part et d'autre du mur. Pour une raison indéterminée, dans la partie méridionale du bâtiment, qu'il s'agisse de M14 ou de M10 (cf. infra), l'utilisation d'un échafaudage encastré a commencé plus haut.

dans le mur méridional M10
La face interne de ce mur présente trois trous de boulins (Fig.3I.20-ti), deux façonnés, un maçonné, situés à peu près au même niveau que ceux de la partie méridionale de M14 (n° 14 et 15).
Il n'a pas été possible de mesurer les trous de boulin de la face externe, inaccessibles au moment de la réalisation de cette étude.

dans la tour
La salle basse de la tour a été conservée sur une hauteur de 3,80 m, correspondant à toute la partie droite des murs et à la base de la voûte qui fut insérée à l'époque moderne, une insertion rendue manifeste par la découpe des pierres d'origine entaillées sur les deux tiers de leur profondeur initiale.
Trois ou quatre trous de boulins sont visibles par côté, juste sous l'amorce de la voûte et non pas dans les parties inférieures des maçonneries (Fig.3I.19-ti, 3I.5-ti).
Leur absence en partie basse conforte l'hypothèse d'un usage primitif de la tour à un niveau proche de celui du rez-de-chaussée de la grande salle.

- Les signes lapidaires
De rares signes lapidaires en forme de croix ont été observés, sur le mur méridional M10 (Fig.3I.39-ti) et dans la tour, sur la face orientale de M6 (Figs 3I.43 et 3I.44-ti).
Ces marques correspondent aux signes les plus anciens identifiés sur des édifices angevins, tels que les églises de Saint-Martin et du Ronceray à Angers (Prigent 2003 : 27).

- Deux témoins de jeux de mérelles
Trois pierres de taille portant l'empreinte de deux tables de jeux de mérelles (Bourgeois in Grandet, Goret 2012 : 33-35), gravées à la pointe sèche, furent utilisées par les constructeurs pendant les travaux avant leur mise en place dans la maçonnerie.
Ces deux tables sont visibles parce que la face d'usage à plat de chacune s'est retrouvée, après pivotement, être la face verticale du parement.
Une pierre sciée en deux se trouvait dans la face interne de M10, mur sud la grande salle (Fig.3I.38-ti) ; l'autre dans la face externe de M5, mur sud de la tour (Fig.3I.45-ti).

3. Les principaux éléments architecturaux : contreforts et ouvertures

- Les contreforts
Le mur oriental M14 présente deux contreforts implantés dans la partie nord de la maçonnerie (Fig.3I.6-ti) :
distant de 4,73 m de l'extrémité du mur, le contrefort nord est séparé du contrefort sud de 4,34 m, lui-même distant de l'angle de la tour de 9,44 m.
La présence de la porte donnant accès au rez-de-chaussée de la grande salle interdisait la construction d'un troisième contrefort entre le second et la tour et surtout le rendait inutile.
Les deux contreforts ont des dimensions comparables : larges d'1,20 m, ils sont profonds d'1,10 m auquel s'ajoutent deux petits ressauts sur la face orientale, ce qui aboutit à une saillie totale d'1,30 m.
Sur la tour, le seul contrefort entièrement mis au jour en plan et en élévation, dans l'angle sud-ouest, présente une largeur d'1,40 m pour une profondeur d'1,20 m qui s'inscrit dans le prolongement du mur M6/M14 (Figs 3I.8-ti, 3I.21-ti).
La partie exposée du contrefort englobant nord-est de la tour présente, pour sa partie nord, des dimensions moindres, 0,90m de profondeur et 1,20m de largeur (Fig. 3I.23-ti) alors que les dimensions de son retour, à l'est, sont presque identiques à celles du contrefort sud-ouest : 1,30 x 1,20 m(Fig. 3I.47-ti).

- Les ouvertures
L'arasement des murs de la résidence à environ 1,60 m au-dessus du niveau de circulation intérieur d'origine a préservé la trace de sept ouvertures : deux portes et cinq fentes d'éclairage (Fig.3I.46-ti).

Les portes
Les deux portes sont localisées dans le mur oriental, l'une donnant accès de l'extérieur au rez-de-chaussée de la grande salle (M14), l'autre, de cet espace de service à la tour (M14/M6).
La première, large de 2,80 m, présentait des tableaux maçonnés en moyen appareil (Fig.3I.48-ti ; 3I.54-ti, 3I.75-ic).
La seconde porte, large d'1,20 m, avait un emmarchement de 0,50 m à 0,60 m de profondeur dans la grande salle (Fig.3I.5-ti, 3I.75-ic).
Ses jambages ne montrent pas de trace d'emmarchement d'origine dans la maçonnerie en direction la tour (Fig.3I.71-ic).
Le niveau du sol primitif de la tour est inconnu, éradiqué par un creusement postérieur.
Aucun dispositif de fermeture n'était observable dans les maçonneries conservées de ces deux portes.

Les fentes d'éclairage
Cinq percements éclairaient le rez-de-chaussée de la résidence (Fig.3I.46-ti) :
quatre dans le mur oriental M14 : une, F.72 (Fig.3I.49-ti), au sud de la porte d'entrée et à proximité immédiate de la tour d'angle, et trois au nord : F73 (Fig.3I.50-ti), F74 (Fig.3I.51-ti), F75 (Fig.3I.52-ti) ;
un seul au centre du mur méridional (F71).
Toutes présentent une ouverture d'1,30 m de large vers l'intérieur qui se réduisait par l'intermédiaire de gradins, semble-t-il de façon différente d'une fente à l'autre.
Ainsi, F75 paraît plus large à l'extérieur.
Trois gradins sont bien discernables dans la fenêtre F71 percée dans le mur sud M10 (Fig.3I.53-ti).
Compte tenu de la fonction du rez-de-chaussée, destiné au stockage et à une activité culinaire, on peut supposer que ces baies présentaient un unique ébrasement intérieur, prenant donc sur la face extérieure la forme de fentes d'éclairage comparables à celles des rez-de-chaussée des grandes tours-maîtresses des 11e-12e siècles.

4. Transformations ultérieures (État 2)

- La construction du mur de refend M30 et de la plate-forme d'accès aux réserves (Période 3c)
Long de 28 m et large de 1,50m, M30 est composé de fondations débordantes en moellons construites en rigole (Fig.3I.54-ti) et d'une élévation en moyen appareil conservée sur sept ou huit assises; (Figs 3I.55-ti, 3I.77-ic).
Il perpétue, de façon plus massive, la division antérieure du rez-de-chaussée, ce qui suggère le voûtement des salles de service.
Dans l'angle sud-ouest de la pièce de réserve, une plateforme maçonnée comportant un emmarchement donne accès au niveau du sol en contrebas (Fig.3I.56-ti).
Ce mur devait comporter des arcades dont aucune trace n'a été relevée.
Le maintien de la fente de jour F71 dans le mur méridional M10 soutient l'hypothèse.

- La porte d'entrée de la grande salle : surélévation du seuil (Période 3c)
Le seuil fut surélevé par une assise de blocs surmontée, dans la partie orientale, de planches, dont l'empreinte était conservée dans le mortier de pose (Figs 3I.48-ti, 3I.22-ti, 3I.57-ti, 3I.76-ic).

- Condamnation ( ?) des portes du rez-de-chaussée (Période 3b-3c)
Au 12e ou au 13e siècle, la porte d'accès au rez-de-chaussée de la grande salle fut condamnée ou rétrécie en hauteur par la construction d'un blocage dont :
- la face interne en moyen appareil était fondée dans les couches d'occupation du seuil et sur la surélévation, après récupération, des planches du seuil (Fig.3I.58-ti),
- la partie externe, était grossièrement alignée sur la face externe du mur M14 ; elle présente l'aspect de fondations dans le sol de la cour dont le niveau de circulation avait fortement augmenté (Figs 3I.74 et 3I.75-ic).
Le blocage de la porte de liaison entre la grande salle et la tour semble être contemporain (Fig.3I.59-ti). Lui aussi présente les mêmes caractéristiques, indiquant un probable comblement du niveau inférieur de la tour (Fig.3I.78-ic).