Section 3B
Modes de vie des occupants lors de l’utilisation des thermes
(Période 1d, Etat 2, v.350-v.400)
Cécile Bébien, James Motteau, Frédéric Poupon

Le mobilier issu des bâtiments eux-mêmes, notamment du praefurnium, ou des couches d’occupation extérieure est peu abondant et sans caractère spécifique, domestique dans son ensemble.

La vaisselle en terre cuite (CB)
Elle ne constitue pas un indicateur social de choix. Parmi les formes en terre cuite identifiées (Pl.3B, Fig. 1), les coupes ou les bols sont majoritaires et servaient pour l’essentiel au service et à la consommation des aliments (Bébien 2005a ; 2005b ; en cours). A leurs côtés, quelques gobelets et des cruches liés au service de la boisson complètent la vaisselle de table (Pl.3B, Fig. 2). Le service est la principale fonction des récipients mis ici au jour, puisque plus de la moitié d’entre eux ont été interprétés comme de la vaisselle de service et de table. Les vases ayant servi à la cuisson et/ou au stockage des denrées alimentaires – essentiellement des pots – constituent un tiers des récipients exhumés des niveaux liés à l’Etat 2 des thermes. Enfin, on note la présence de quelques couvercles et d’un nombre relativement important de mortiers (environ 10 % des vases), dont la présence est probablement liée à la préparation des aliments.

Une analyse plus précise du corpus céramique traduit une relative abondance des effectifs mais dans un état de conservation très problématique, la fragmentation des pièces rendant l’identification des formes souvent difficile. Les décors sont peu présents, à l’exception de quelques vases en sigillée décorés à la molette (relativement courants à cette époque en Gaule) et de rares cruches ornées de lignes peintes. En revanche, l’aspect de surface des récipients présente une assez grande diversité, avec des céramiques claires à revêtement de teinte blanche, dorée, rouge à brune – uniforme ou « brossée » – ou encore des céramiques grises à noires plus ou moins bien lissées. Cette multitude de traitement de la surface des vases et la grande quantité de céramiques claires sont deux particularités marquantes pour cette période et restent caractéristiques de l’époque romaine. S’il reste difficile d’interpréter cette diversité pour préciser le niveau social de la population, force est de constater qu’aucune des catégories de céramique habituellement rencontrée dans le faciès régional de cette période n’est absente. Par ailleurs, il faut également garder à l’esprit la situation topographique du site : les thermes se trouvent alors à l’intérieur de la ville close. Il n’est donc pas irraisonnable de penser que la population vivant intra-muros disposait d’un niveau social aisé, par rapport à celle installée hors les murs. L’analyse du mobilier céramique seule ne permet toutefois pas d’étayer cette hypothèse et devant l’absence de points de comparaisons régionaux, la diversité attestée des productions mise en évidence reste difficile à interpréter.
Comme pour l’ensemble des sites de l’Antiquité, appréhender le niveau social d’une population grâce à l’étude de sa vaisselle en terre cuite se révèle un exercice difficile. En effet, courant et omniprésent, ce mobilier devait être accessible à la quasi-totalité de la population. La vaisselle « de luxe » était en métal et elle reste bien moins fréquemment découverte en contexte archéologique.

La vaisselle de verre (JM)
Il est difficile d'apprécier le statut des occupants des sites de l'Antiquité en fonction de la verrerie car la vaisselle de verre fait partie intégrante du mobilier de presque toutes les fouilles de l'époque romaine. La quantité de vaisselle liée à l'occupation de l’Etat 2 des thermes se situe parmi les structures du site qui ont livré le plus de verre mais la fragmentation importante de ce mobilier rend souvent délicate l'attribution des tessons à des formes précises et le pourcentage de types bien définis est faible. La vaisselle de table est majoritairement constituée de gobelets et de coupes à lèvre meulée et non rebrûlée. Les contenants sont surtout repérables par l'épaisseur de leur verre, généralement supérieure à celle de la gobelèterie (Pl.3B, Fig. 3).
La plupart des tessons sont soufflés à la volée et sont bruts, sans décor ; de ce fait, ils seront considérés comme faisant partie du verre de qualité ordinaire s'ils ne correspondent pas à une forme particulièrement rare ou sophistiquée. Ils représentent environ 80 % des pièces dans les niveaux associés aux thermes. Une faible quantité (de l'ordre de 10 %) est décorée par soufflage dans un moule (bol Isings forme 107a ; Isings 1957), par application de verre à chaud (cabochons en verre bleu outremer, gouttes étirées verticales et parfois horizontales) ou par gravure à froid à l'aide de meules sous la forme de simples rainures circulaires (gobelets). Ce groupe doit être classé arbitrairement dans la qualité moyenne de la verrerie de cette époque. Un troisième groupe, comparable au précédent par le nombre de pièces identifiées, comprend des verreries décorées par gravure à la meule, avec des motifs géométriques simples et répétitifs (bols avec des losanges à treillis de rainures, ovales ou cercles). Quelques rares bols ou gobelets sont historiés (tête humaine de profil). Ces verres peuvent être classés parmi la verrerie de luxe.
L'ensemble de ces verreries présente un caractère essentiellement domestique.

Mobilier/équipement domestique (JM)
Le seul objet paraissant indubitablement lié aux thermes, dans leur fonction propre, est un fragment de bonde équipée vraisemblablement d'un flotteur dont seule subsiste la partie inférieure (Motteau et al. 1991 : n° 507).
Le reste du petit mobilier est constitué de deux groupes principaux, les objets personnels directement liés à la personne et l'équipement domestique (Pl.3B, Fig. 4).
Les épingles en os, bronze ou jais, pour la plupart destinées à maintenir la coiffure féminine, représentent le plus grand nombre d'artéfacts (treize), loin devant les appliques diverses de vêtement (trois) et les bracelets en os (deux). Un fragment non identifié d'orfèvrerie est également assimilé au premier groupe.
Le mobilier regroupé dans l'équipement domestique correspond à environ la moitié des artéfacts précédents ; il est constitué en parts égales du matériel destiné à la cuisine (couteaux, pierre à aiguiser, meule) et d'appliques de mobilier et d'une statuette de Vénus. Un piton lié à la construction a également été retrouvé dans les niveaux de cette structure. La nature des petits objets de l’Etat 2 des thermes correspond bien à une occupation de type domestique. Cette formulation doit cependant être nuancée avec la présence d'une gouttière de ceinturon et, peut être, de clous de chaussure, ce qui laisse supposer une zone à caractère plus militaire dans les environs des thermes.

Le régime carné (FP)
Les restes osseux renvoient l’image d’un régime carné somme toute assez habituel, ne reflétant pas particulièrement un niveau social élevé. L’alimentation est basée sur la triade porc-bœuf-capriné (88% des restes déterminés) (Pl.3B, Fig. 5). Les restes de porc (51%) et de bœuf (45%) sont les plus fréquents, et ce, au détriment des caprinés. Néanmoins, en poids des restes, l’essentiel des produits carnés est fourni par le bœuf. Le porc procure le complément, tandis que l’apport des caprinés est très restreint.
Les pièces de viande consommées proviennent principalement des parties les plus charnues (épaule, jambon, cuisse ou gigot) (Pl.3B, Fig. 6). Cependant, la qualité de ces pièces de viande varie selon l’espèce. Ainsi, la viande porcine, issue de sujets majoritairement abattus avant d’atteindre l’âge de la maturité pondérale (atteinte vers deux ans et demi), renvoie à une viande de qualité (Pl.3B, Fig. 7), à l’inverse de la viande bovine qui, elle, provient principalement de sujets réformés de plus de quatre ans (Pl.3B, Fig. 8). A côté des produits carnés fournis majoritairement par le bœuf, le porc et les caprinés, figurent quelques viandes de complément. Parmi les restes de volailles (4%), le coq occupe une place privilégiée sur la table. La part du gibier à poils et à plumes (1%) est typique des contextes urbains et ne reflète pas une consommation issue d’un milieu au niveau social élevé. Ce gibier est principalement représenté par des mammifères, le cerf et le lièvre étant aussi bien attestés l’un que l’autre.
Si la plupart de ces viandes ont une origine locale, la présence de quelques huîtres (4,7%) indique la consommation de produits d’importation.

Dans son ensemble, le mobilier commun atteste une occupation domestique des lieux peut-être attribuable à la présence des personnes indispensables au service des installations et des utilisateurs qui, eux, ne sont perceptibles qu’au travers de pièces liées à des vêtements spécifiques ou par l’intermédiaire de la consommation de produits de choix.