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Journées d’études (hybride) « Terrains au féminin ? Biais, postures, perspectives »

Jeudi 23 octobre 2025, 14h30-18h00 et vendredi 24 octobre 2025, 9h00-13h00, MSH Val de Loire, salle Polyvalente, Tours

Comité scientifique :

S. Goedefroit (Pr d’anthropologie, Université Paris-Cité) I. Bianquis (Pr Emérite d’anthropologie, Université de Tours) F. Saumade (Pr d’anthropologie, Aix-Marseille Université – IDEAS-CNRS)

Le courant féministe en anthropologie qui a émergé dès les années 1950 aux Etats-Unis et qui s’est développé en France dans les années 1960-1970 a été source d’avancées indéniables tant d’un point de vue épistémologique que méthodologique. Les travaux de Margaret Mead puis de Françoise Héritier, par exemple, montrent l’importance des spécificités du versant féminin des sociétés et la nécessité de rétablir l’équilibre contrarié par une pratique anthropologique jusque-là marquée par un androcentrisme affirmé. Ses apports se retrouvent également dans la critique des approches méthodologiques et des biais induits par le genre (masculin) de l’anthropologue. Si les biais de genre se retrouvent dans tous les domaines de l’anthropologie, celui de la parenté est peut-être le plus touché. Car les biais agnatiques ont plusieurs sources : le genre de l’anthropologue, l’expression émique du genre propre à la société étudiée, et la méthode longtemps utilisée de centrage sur un ego masculin. Ces biais (e.a. Collard, 2000) sont, grâce au traitement informatique, détectés et mesurés, dans les corpus généalogiques et cela conduit à une remise en question des modèles les plus classiques de la parenté (notamment lévi-straussiens). L’on peut alors s’interroger sur les biais « utérins » qu’aurait généré la démarche féministe en anthropologie et ce dans tous les domaines.

Parlant de ses travaux sur Minot, Françoise Zonabend (2011, p.133) nous apprend que déjà à l’époque la question se posait de savoir si l’identité sexuée des chercheuses n’aurait pas affecté le choix de leur objet et leur écriture. Depuis, de nombreuses réflexions (Monjaret et al., 2014) ont été menées à partir d’abondants témoignages de femmes anthropologues : Existe-t-il une manière féminine de « faire du terrain » ? En quoi, les particularités corporelles du féminin seraient un frein ou un adjuvant à l’enquête, leur ouvrant ou leur fermant l’accès à certains domaines « genrés » ? En d’autres termes, une ethnologue parviendrait-elle, sans même le rechercher, à entrer dans l’intimité de cercles réservés aux femmes par le simple fait qu’elle est une femme ? Qu’est-ce que serait alors un « terrain au féminin » en anthropologie ? Comment une femme, par sa nature même et la place que ses interlocuteurs lui accordent, vivrait le terrain différemment d’un homme ? L’anthropologue rentre-t-il dans le jeu de la différence des sexes tel qu’il est organisé par la société qu’il étudie ?

Il est établi aujourd’hui que le « genre » de l’ethnologue peut avoir une incidence dans l’enquête. La question se retrouve formulée de la sorte : « les pratiques de l’ethnographe, du terrain à l’écriture, sont-elles sexuées ? » (Hamberger, 2023). Le débat tend donc à être déporté dans des discussions sur le sexe et le genre de l’anthropologue.

Or, dans nos sociétés sont exprimées, de façon parfois radicale, des valeurs qui mettent en cause la conformité des catégories sexuées ou encore qui convertissent la proposition de « valence différentielle des sexes » (Héritier 2005) en opposition, voire en oppression, universelle masculine des femmes pour expliquer la distinction homme/femme qui existe dans le monde entier, de tout temps et dans toutes les sociétés. Ainsi, Olga Tokarczuk, prix Nobel de littérature en 2018, affirmait-elle, par exemple, dans une interview récente (mai 2024), parlant de la misogynie : « c’est un fait anthropologique et culturel qui déborde notre époque et la civilisation occidentale. Les anthropologues ont constaté à regret que peu de sociétés ne sont pas misogynes ». Est-ce le résultat des travaux sur les biais agnatiques propres aux sociétés qui sont ainsi convoqués pour servir à ce positionnement idéologique qui dévoie le questionnement anthropologique ? Nombre de discours actuels émettent l’idée que les sociétés traditionnelles seraient caractérisées par une hiérarchie sexuée visant l’asservissement des femmes par les hommes. Les travaux sur l’intersectionnalité (États Unis) viennent renforcer ces questions, mettant en avant l’importance de croiser les identités et discriminations. Si le débat est noble, car il vise à une façon égalitaire de concevoir la liberté de chacun, il convient cependant de s’interroger sur l’impact que ces idéologies (négation des catégories sexuées, formes contemporaines du féminisme, etc..) peuvent avoir sur la pensée anthropologique en cours. « La question du féminin et du masculin n’est jamais neutre », se plaisait à dire Françoise Héritier.

La féminisation de la profession, les orientations thématiques des apprentis ethnologues, mais aussi les engagements forts pour la cause féministe et les débats sur le genre dont font montre les étudiants en anthropologie aujourd’hui, ne peuvent être ignorés. Comme ne peuvent l’être les récentes directives concernant l’usage de l’écriture inclusive dans le milieu académique. Le contexte, nous force à nous interroger sur l’impact que ces façons de dire et de faire – pour paraphraser le titre de l’ouvrage d’une grande femme anthropologue et écrivaine – pourraient avoir sur la (re)définition du terrain anthropologique, de ses objets, mais aussi dans l’orientation de ses méthodes et de son écriture. Il ne s’agit pas tant de se poser la question de savoir si « les pratiques de l’ethnographe, du terrain à l’écriture, sont sexuées », mais plutôt de savoir ce que deviennent ces pratiques lorsqu’elles sont mises en œuvre par des ethnologues convaincus (parfois inconsciemment) par la remise en question, apparue récemment dans les sociétés contemporaines, des stéréotypes sexués et des assignations de genre caractérisant la plupart des traditions culturelles. Or, il va de soi que le rôle de l’ethnologue sur le terrain est la compréhension de la société qu’il est venu étudier. En ignorer les processus de distinction intersexuelle, les réfuter ou les neutraliser, semble mettre en cause les principes mêmes de l’observation ethnographique et de la raison anthropologique classique.

Notre objectif est, en dehors de toute idéologie militante, de réunir des ethnologues de terrain afin, dans un premier temps, de réaliser un rapide tour de table sur la manière dont chacun estime que sa pratique a été influencée par son genre. Cette mise en commun des expériences individuelles, permettra dans un second temps, d’aborder, sans crainte des controverses, un débat portant sur les conséquences éventuelles des idéologies dominantes actuelles dans la pratique de la discipline et dans son enseignement.

En distanciel :

Contact : sophie.goedefroit@parisdescartes.fr et isabelle.bianquis@univ-tours.fr

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