Section 3H
Aperçu des techniques de construction observées
dans les bâtiments de la Période 1d et de la Période 2
Henri Galinié
1. Les neuf éléments construits donnant matière à étude
De 350-400 à 1050, les constructions présentes, le plus souvent entrevues sur des fragments de bâtiments ou des tronçons de murs, à quoi s'ajoute la clôture de l'enclos de
la Période 2f, se distinguent de la construction antique et médiévale. Le contraste est d'autant plus accusé que thermes, résidence et château relèvent de l'architecture publique.
Les techniques mises en oeuvre sont présentées dans l'ordre chronologique de succession des constructions.
Le praefurnium de l'aile sud des thermes (Etat 2), vers 350-400 (Figs 3H.1,
3H.2,3H.3,
3H.4)
La période 1d est caractérisée par le remploi des constructions antérieures
et, au sud, dans l'aile réaménagée des thermes, par l'ajout d'un bâtiment technique, un praefurnium qui connaît deux états architecturaux.
Avec ce praefurnium, dans ses deux états, apparaît l'architecture dite de terre sur le site. L'usage de ce type de matériaux est attesté dans
l'architecture domestique de la ville ouverte du Haut Empire mais dans une mise en oeuvre différente, pour la partie supérieure de murs, terre (sable
argileux d'extraction locale) et moellons apparaissant posés sur un solin ou un mur bahut maçonnés.
Ici, l'intégralité des murs associe sable argileux (terre) et moellons appareillés ou non, fondations comprises.
Le praefunium 1 se caractérise par une construction plus régulière que le suivant, notamment
les parements. Ses murs sont assis sur de gros blocs de fondation ou sur des murs antérieurs.
Les murs des deux états présentent un fruit, de la base à l'arase : de 0,50 à 0,40 m pour le praefurnium 1, de 0,70
à 0,60 m pour le praefurnium 2.
Le Bâtiment 2, vers 400-450 (Figs 3H.5,3H.6, 3H.7)
Il s'agit d'un tronçon de mur bahut appareillé en petit appareil irrégulier, Le mortier de chaux est maigre, comportant une grande quantité de sable argileux, plus fin que le sable de rivière.
Ce soubassement était surmonté d'une superstructure composite associant charpente, que semblent attester un trou de poteau, sable argileux et vraisemblablement moellons.
La largeur de l'élévation du mur est de 0,48 m.
Le Bâtiment 3, vers 500-600 (Figs 3H.8 et 3H.9)
Connu par les structures 8 et 9 en limite de fouille, cette construction présentait des solins formés de petits blocs de pierre irréguliers alignés sur lesquels devait s'appuyer une ossature charpentée et/ou des clayonnages. Dans cet édifice, il est impossible d'attester ou d'infirmer l'usage de terre, sous la forme de sable argileux, car la formation de la stratification a pu la transformer et la faire totalement disparaître comme telle.
Le Bâtiment 4, vers 550-600 (Figs 3H.10,3H.11,3H.12, 3H.13)
Construction très mal connue par un mur et deux tronçons de murs en retour. Tous trois conservés sur un seul rang de hauteur, ils présentent un blocage exclusivement constitué de terre, sable argileux,
et un parement de moellons, de type petit appareil. Les murs larges de 0,60m, sont posés au sol, apparemment sans fondation.
La largeur des murs, difficile à évaluer, excède 0,75 m pour le mur est et 0,60 m pour le mur nord.
Le Bâtiment 5, vers 600-vers 750 (Figs 3H.14, 3H.15, 3H.16, 3H.17)
Deux murs en sont connus en partie. Un mur gouttereau au sud sur une quinzaine de mètres de longueur et un mur interne rajouté dans une deuxième phase.
L'un et l'autre sont des murs bahut de faible élévation, constitués de moellons liés à la chaux. Leur parement est en petit appareil. La coupe du mur gouttereau
laisse voir une construction à mortier de chaux et une arase plane destinée à recevoir une élévation en terre comme en témoigne la partie effondrée retrouvée en fouille.
En effet, un pan de mur qui a basculé montre sur l'arase une partie supérieure faite de terre, sable argileux, avec un parement de moellons. Des briques architecturales sont présentes en remploi,
peut-être en chaînage. Aucune trace de structure de bois n'a été relevée à la fouille de la partie supérieure en terre effondrée.
Dans le soubassement en pierre, une trace unique d'insertion de poteau a été relevée (cf. Fig.3H.16). Ce poteau peut attester l'existence d'une charpente associée à la partie supérieure en terre ou
celle d'une ouverture dans le mur sud.
La largeur de l'élévation des murs est constante : 0,70 m.
La Structure 1 vers 750-825 (Figs 3H.18, 3H.19, 3H.20)
Mur bahut curviligne, vraisemblablement le support d'un accès au mur d'enceinte.
Mortier maigre, chaux et sable jaune vif distinct du sable argileux qui dorme le substrat de l'interfluve Loire-Cher, et parement de moellons de type petit appareil. Les lits sont irréguliers.
Restée exposée aux intempéries, la Structure 1 présentait de part et d'autre du mur conservé une partie importante de son élévation déstructurée et comme dissoute ou fondue par un glissement lent des
constituants. L'importance des remblais massifs (plus de 1,20m au 11e s.) qui ont scellé cet ensemble, l'absence d'activité biologique conséquente expliquent la conservation de la teinte d'origine.
Plus précoce, le mur conservé de la Structure 1 serait vraisemblablement apparu noyé dans des terres noires.
L'élévation du mur présente une largeur constante de 0, 70 m.
Poteaux plantés de la clôture (Figs 3H.21 et 3H.22)
Poteaux dont l'un est en remploi dans le Bâtiment 6. Vastes fosses d'implantation et de récupération pour des poteaux d'une section de l'ordre de 20x35 cm au minimum.
Le Bâtiment 6, vers 800-900 (Figs 3H.23,3H.24, 3H.25, 3H.26)
Architecture de bois à poteaux plantés et à sablières basses supportant une ossature charpentée. Les traces de destruction laissent envisager,
pour l'élévation, un remplissage de terre, mortier de chaux maigre et sable argileux, peut-être un clayonnage, sans les attester formellement.
Le poteau cornier présente une section carrée de 0,20 m dans une fosse de récupération de 0,40 m ; la sablière basse présente une tranchée de récupération
large de 0,40 m laissant présager une pièce de charpente de 20 cm de section.
Les Bâtiments 7, vers 800-900 et 8, 10e s. (Figs 3H.27 et 3H.28)
Il s'agit de tronçons de murs. Leurs caractéristiques sont identiques à celles du Bâtiment 4.
La largeur du mur du Bâtiment 8 est de 0, 80 m (F210).
2. Commentaire
- Sans être exclusive, l'architecture dite « de terre » tient une place prépondérante sur le site, entre 350 et 1050. Sa caractéristique est moins d'être formée de « matériaux périssables » (typologie archéologique) que de matériaux aisément accessibles, récupérables et réutilisables de façon répétitive (typologie d'usage) : pièces de bois, parements et blocage de petit appareil, voire sable argileux. La « terre », sable argileux d'origine locale qui forme le substrat du sol de l'interfluve Loire-Cher, est une ressource inépuisable et d'accès aisé. Pour la récupération, pièces de charpente et moellons sont aisément dissociables les uns des autres. Ils peuvent être ré-agencés à de multiples reprises, extraits du liant sablo-argileux lui-même réutilisé ou laissé sur place où il se transforme en « terre noire » sous l'effet de l'activité biologique.
- Il serait illusoire de chercher à voir un changement orienté dans les techniques de construction représentées qui ne se substituent pas les unes aux autres et qui sont attestées ailleurs à Tours (entre autres) à des dates identiques ou distinctes :
L'architecture maçonnée, à mortier maigre ou à liant de terre
- Les murs au liant exclusif de terre (sable argileux) et à blocage et
parements de moellons, sans soubassement maçonné, sont attestés dès les
deux états du praefurnium, puis dans les Bâtiments 4, 7 et 8, soit
du 4e au 10e s.
- les murs bahuts à soubassement maçonné sont présents du
4e au 8e s. avec les Bâtiments 2 et 5 ainsi qu'avec la Structure 1.
- L'usage de moellons est la règle pour les parements des murs en maçonnerie ou en
terre. Certains, en petit appareil, proviennent vraisemblablement de récupérations
dans les bâtiments antiques.
- Le mode de construction, malgré les apparences, semble bien identique, que le liant soit un mortier de chaux ou un sable argileux.
La technique du bain de mortier (bain de liant serait plus juste) où les moellons sont « noyés » dans le liant très humide est la règle.
La mise en oeuvre des élévations paraît être la suivante, en trois temps :
1. pose des parements d'un lit unique sur une couche d'attente formée de mortier ou de sable argileux encore humide qui couvre les moellons du lit sous-jacent ;
2. pose ou versement d'une couche de liant (semi-liquide ?) destinée à recevoir le blocage entre les parements et insertion des moellons en nombre plus ou moins grand,
souvent jointifs, dans ce liant ;
3. couche de liant couvrant les moellons du blocage et du parement et formant une nouvelle couche d'attente ;
puis parement du lit suivant, etc.
L'hypothèse de la pose du liant en deux couches successives, avant et après celle des moellons du blocage, est déduite de l'absence d'espaces entre les moellons
et de la stratification interne des murs où alternent couches de liant et couches de pierres.
Selon le niveau d'arase conservé des murs, ces trois étapes apparaissent, et tout particulièrement dans la Fig. 3H14 (Bât.5) où une fosse postérieure a créé une coupe dans
le parement et le blocage.
D'une illustration à l'autre se distinguent soit les moellons, soit le liant, ce qui donne l'impression trompeuse de techniques de mise en oeuvre distinctes.
Par exemple la Fig.3H10 pour le Bât 4. fait apparaître deux techniques semblant distinctes, ce qui résulte en réalité d'une conservation à un niveau différent de couches des éléments du blocage du mur : pour les deux murs est-ouest, en haut et en bas, la prééminence des moellons est sensible alors que pour le mur nord-sud, à droite, la prééminence du sable argileux l'emporte. Cet effet est trompeur.
L'architecture de bois présente deux variantes :
- sur solin avec sablière basse dans le Bâtiment 3, selon une technique attestée à Tours dès le début du 1er siècle (Ta&m sites 7 et 10), quoique les pierres
du solin ici soient simplement alignées sans être jointoyées au mortier de chaux ;
- sur poteaux plantés et sablières basses dans le Bâtiment 6. Seul ce mode constructif se révèle original à partir du 9e siècle, sans qu'il devienne exclusif. Il est d'ailleurs attesté plus tôt, dans la clôture de la Période 2f qui ne comporte pas de bâtiments, et dans d'autres sites à Tours (Ta&m, site 7).