Section 3J Modes de vie des occupants de la résidence, Etat 3 (Période 3d, 13e - début 14e s.) Philippe Husi, James Motteau
Les restes domestiques exhumés de deux fosses (F110, F213) très proches en usage à la fin de l’occupation de la résidence et/ou au moment de la construction du château, constituent certainement un prisme dans l’observation les occupants des lieux à une période mal documentée du site (Pl. 3J, Fig. 1).
La vaisselle en terre cuite (PH) L’éventail général des récipients de terre cuite n’a pas beaucoup évolué lorsque comparé à celui des premiers niveaux d’occupation de la résidence. Il est toujours composé de pots, de pichets, de cruches, d’un unique plat et d’un couvercle. La triade « pot, pichet et cruche » est toujours aussi dominante, mais les équilibres dans les effectifs changent. Les pichets sont de loin les récipients les plus nombreux (Pl. 3J, Fig. 2). Leur prédominance se généralise à cette période, dans le Centre-Ouest de la France, voire plus largement en France, ce qui replace la terre cuite sur la table alors qu’elle était majoritairement cantonnée à la cuisine aux 11e et 12e siècles dans ces régions. Les pichets présents dans les deux fosses mentionnées s’opposent par leur qualité : des pichets bien tournés, dans des pâtes blanches (pichet 3b), parfois très fines (pichet 2) ou couvert d’une glaçure verte (pichet 6) côtoient des productions très médiocres, par la qualité de leur pâte ou de leur glaçure (pichet 8a). Les récipients les plus raffinés sont des productions exogènes, du Poitou ou de la Sarthe (Husi 1996 ; 2003a). Comment interpréter socialement cette différence ? Bien que la poterie à elle seule ne suffise à le démontrer, il est probable que deux populations vivaient dans ces lieux : l’une aisée et l’autre à son service.
La vaisselle de verre (JM) tranche nettement avec celle des états précédents et correspond aux formes en service jusque dans la seconde moitié du 15e siècle, avec une prédominance du service de table : verres à pied repoussé ou soudé. Toute cette vaisselle, réservée à des personnes de situation aisée, est à base de fondant potassique ; aucune trace d'importation du sud de la France ou du bassin méditerranéen n'a été mise en évidence (Pl. 3J, Fig. 3) (Motteau 1985 : 13).
Mobilier/équipement domestique (JM) Il ne se démarque guère de celui de l'état antérieur, si ce n'est en quantité ; en pendant aux artéfacts à vocation mobilière ou domestique, on retrouve des pièces d'armement, certaines plus particulièrement destinées à la chasse, et des éléments de jeu (Pl. 3J, Fig. 4). De nombreux fragments de verre à vitre proviennent des dépotoirs ; déjà signalés lors de l'inventaire des Etats 1 et 2 de la Résidence, ils sont décorés à la grisaille brun rouge, rarement blanche, mais leur altération et fragmentation ne permettent pas la reconstitution des motifs décoratifs originels et il est impossible de connaître leur lieu précis de provenance, sur le site, pièce civile ou religieuse (chapelle) (Motteau 1985 : 44).
Bien qu’un mobilier banal ait été mis au jour dans cette dernière phase d’occupation de la résidence, c’est sans conteste la concentration d’objets de qualité qui domine ici. Qu’elle soit en terre cuite ou en verre, la vaisselle se définit par son caractère ostentatoire. En y associant des artefacts liés à l’armement ou à la chasse, une majorité d’indices matériels reflètent ici la présence, certes pas exclusive, mais attestée, d’une population aisée, que la nature des lieux permet de qualifier d’aristocratique.