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Du tesson au système territorial : une approche multiscalaire de l’occupation du sol dans la vallée de la Vienne autour de l’Ile-Bouchard (Indre-et-Loire).
L’objectif initial défini en amont du travail de recherche, vise à la compréhension des processus de transformation de l’habitat et du paysage d’un espace donné, en mettant l’accent sur les mutations et les disparitions des phénomènes observés, de manière à restituer la ou les dynamiques du peuplement sur la longue durée. L’espace étudié est constitué des communes de Tavant, L’Ile-Bouchard et Crouzilles situées dans la vallée de la Vienne, au sud-ouest de l’Indre-et-Loire. Elles couvrent à elles trois, une surface de 2 332 ha qui s’inscrit dans un rectangle d’emprise d’environ 5 500 ha. Le choix de l’Ile-Bouchard et des deux communes voisines de Tavant et Crouzilles n’a pas été dicté par un attachement particulier au Bouchardais, mais par la richesse et la disponibilité des sources interrogées. Cette approche du peuplement, fondée sur l’exploitation de sources multiples et l’appréhension du temps long, s’inscrit totalement dans la tendance des ces vingt et presque trente dernières années qui tend à associer de plus en plus étroitement l’exploitation des sources écrites aux avancées de l’archéologie rurale et de l’analyses du paysage, à l’échelle de la micro-région, de manière à maîtriser l’ensemble de la documentation disponible dans une perspective systémique. En effet, l’approche systémique résume parfaitement la complexité des analyses de petits territoires sur la longue durée qu’historiens et archéologues se proposent de développer.
A l’échelle de l’Holocène et de l’ensemble du secteur géographique étudié, les analyses paléoenvironnementales réalisées dans le lit de l’Arceau – un paléochenal de la Vienne – suggèrent une certaine stabilité du paysage depuis le Néolithique : la Vienne a adopté un style à chenal unique dès la fin du Tardiglaciaire et il semble que le cours ait peu varié depuis, à petite échelle. A grande échelle, on soulignera la progression du méandre de Mougon-Trogues, à l’origine de la destruction partielle du site antique de Mougon. La végétation, en place de puis le Néolithique ancien, ne subit pas de modifications majeures suggérant d’éventuelles transformations climatiques. Au Néolithique et à l’Age du Bronze, en amont de l’Arceau, la forêt prédomine tandis qu’en aval, la végétation est caractéristique d’un paysage ouvert. Les prélèvements ne permettent pas d’appréhender l’évolution du paysage postérieure à l’Age du Bronze, excepté dans la partie avale du chenal, qui reste dominée par les prairies à graminées jusqu’au haut Moyen Age au moins. A l’échelle des deux transects de prospection, les données de surface ont révélé la densité de l’occupation et de l’exploitation du sol de la Protohistoire à nos jours. Une vingtaine d’établissements datés de la Protohistoire à l’époque moderne a été détectée. Tous ont été interprétés comme des établissements à vocation résidentielle ; on suppose également une fonction agricole complémentaire pour la plupart d’entre eux, ce que semble confirmer les données « hors-site » : les prospections ont effectivement révélé l’abondance du « bruit de fond », marque d’une exploitation agricole intense et quasiment continue du milieu depuis la Protohistoire. A l’échelle des agglomérations, l’analyse morphologique des plans cadastraux des quatre localités du secteur visait à comprendre la genèse puis l’évolution des espaces urbanisés et par extension, celle du réseau viaire. L’étude morphologique couplée aux données textuelles et matérielles a permis de révéler d’une part, l’ancienneté des agglomérations dont l’origine remonte à l’Antiquité ou haut Moyen Age et d’autre part, une forme d’inertie des plans dans leur ensemble qui témoigne d’une construction « spontanée » de l’espace urbain : à l’exception de Mougon, aucune localité n’a fait l’objet d’une planification d’ensemble entraînant des modifications importantes du parcellaire. Même dans le cas de L’Ile-Bouchard pour laquelle les textes des 11e-12e siècles nous renseignent sur la volonté affirmée des seigneurs d’organiser l’habitat par le biais des créations de bourgs, aucune forme de planification ou opération d’urbanisme n’a été relevée, en dehors de l’enceinte de la rive droite pour laquelle on postule une implantation bien postérieure au développement de l’agglomération. Enfin, l’exploitation des données de prospection collectées à proximité de l’officine de potiers antique de Mougon à l’échelle d’une quinzaine d’hectares, a permis, d’une part, de détecter de nouvelles structures liées très certainement à l’atelier de potiers et d’autre part, de mettre en évidence une occupation dense et vraisemblablement continue du site et de son environnement depuis le Haut Empire – voire la Protohistoire – jusqu’à nos jours. En outre, l’étude de la répartition des artefacts en surface a permis d’évaluer plus précisément l’impact des phénomènes géomorphologiques sur la redistribution de la matière en surface.
L’adoption de la progression par échelles géographiques emboîtées qui caractérise ce travail, a été dictée par les rythmes spatio-temporels propres à chaque source exploitée et les contraintes pratiques qui imposent au chercheur des cadres d’observation géographique et chronologique qu’on suppose être représentatifs de l’ensemble considéré. La démarche globale qui consiste à croiser les sources selon la logique du système territoire s’impose comme un cadre adapté à une étude pluridisciplinaire et diachronique, parce qu’elle permet de respecter et des gérer les rythmes d’espace-temps de chaque source sollicité et parce qu’elle pose les bases d’une modélisation de l’histoire du peuplement de la Protohistoire à nos jours dans la vallée de la Vienne. Toutefois, c’est seulement à l’issue de la critique et de l’exploitation des différents corpus de données que le système territorial commence à prendre forme, à travers la connaissance partielle de l’organisation de l’espace géographique et du jeu des acteurs de l’espace anthropisé, politique et institutionnel.