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Un espace rural en Berry dans la longue durée : expérience de micro-analyse des dynamiques spatio-temporelles du paysage et du peuplement dans la région de Sancergues (Cher).
Ce travail traite de l’évolution diachronique des rapports entretenus entre les sociétés du passé et leur espace, en milieu rural. Partant de l’image du paysage livrée par le cadastre napoléonien, l’objectif est de restituer les étapes et les modalités de la construction d’un espace rural par les sociétés de la Protohistoire à l’époque contemporaine. L’originalité principale de ce travail réside dans la variation des échelles de temps et d’espace, et s’inscrit par bien des aspects dans la démarche microhistorique, afin de favoriser une approche des pratiques spatiales à l’échelle élémentaire des sociétés anciennes, celle du finage. La combinaison de la micro-échelle spatiale et du temps long favorise en effet un meilleur repérage des ruptures et des continuités dans l’occupation du sol. Mais considérer l’évolution d’un espace depuis la Protohistoire jusqu’au 19e s. implique la nécessité de traiter plusieurs sources différentes. La définition des modalités de leur croisement est un des objectifs méthodologiques de ce travail. Chacune d’elles doit être analysée distinctement, en fonction de ses conditions de production, et après une évaluation et une prise en compte rigoureuse des biais qu’elle produit. L’approche diachronique de l’espace retenu est donc la synthèse d’une étude archéologique (à partir de données acquises au cours de prospections au sol), d’une étude historique (fondée sur les textes) et d’une étude morphologique (réalisée sur les plans anciens et le cadastre « napoléonien »). Le recours à une démarche régressive permet ici une exploitation plus efficace de sources documentaires lacunaires, dispersées et plus rares à mesure que l’on remonte dans le temps.
La restitution de la dynamique de l’habitat tout d’abord, abordée au travers des sources archéologiques issues de la prospection au sol et du dépouillement des archives médiévales et modernes, a permis d’identifier plusieurs épisodes de développement et de recul du tissu de peuplement. L’analyse du réseau viaire contemporain et sub-contemporain a favorisé, par la nature même de l’objet d’étude, une variation d’échelle du micro vers le macro. Cette variation de la focale d’observation a permis de mesurer l’insertion de la zone d’étude dans les réseaux de communication sub-actuels et passés. Par une approche hiérarchique inspirée de l’écologie du paysage, la morphologie du parcellaire permet de lire les différents niveaux d’organisation qui régissent le paysage, de l’échelle du cours d’eau à celle du point de peuplement. La documentation écrite de l’époque moderne, à travers la mention de nombreuses entités religieuses ou politico-administratives, illustre l’aboutissement d’un processus de définition de territoires à échelle locale, qui s’amorce sans doute dès la période médiévale avec l’émergence et l’affirmation de circonscriptions comme les paroisses et les seigneuries. Enfin, les espaces de la pratique ont été abordés, notamment grâce aux données archéologiques. Les territoires agraires, que délimite l’emprise des épandages de mobilier associé aux fumures, permettent la lecture de l’évolution diachronique de la localisation des espaces mis en culture, leurs rapports aux lieux habités et aux contraintes physiques du milieu, à l’échelle des déplacements quotidiens.
Sur le plan méthodologique, ce travail a été l’occasion de définir des outils propres à étudier les dynamiques de l’occupation du sol de manière diachronique et à favoriser les comparaisons micro-régionales, notamment par la mise en œuvre de modélisations statistiques et spatiales au sein d’un SIG. Ces comparaisons permettent ainsi de discerner les évolutions témoignant de tendances communes et d’autres de particularismes locaux. La variation d’échelle du micro vers le macro favorise alors la remise en cause de schémas souvent construits à petite échelle et sur le silence des sources écrites.