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COST

Pennec Elena

Le choix de la marche à pied lors des trajets quotidiens. Une logique de réappropriation du temps de déplacement

2013

Direction : Marie-Pierre Lefeuvre

Financement : doctorant

Ce projet de thèse a pour objet les logiques d’action qui amènent des individus à privilégier la marche lors de leurs déplacements quotidiens, principalement entre leur domicile et leur lieu de travail. Il poursuit un double objectif : contribuer à la production de connaissances sur les mobilités quotidiennes ; approcher la marche sous un angle nouveau, celui de la construction des temporalités. La question des mobilités quotidiennes est un champ de recherche prolifique en sociologie et dans bien d’autres disciplines. Ces travaux mettent en exergue la prédominance de l’usage de la voiture qui concerne, 63% des déplacements et 81% des distances parcourues (Orfeuil, 2004). Cependant, la marche n’est pas un mode de déplacement marginal, elle représente 22 % des déplacements en semaine et 9% des déplacements domicile-travail (DGDD, 2010). Pourtant celle-ci est moins étudiée que les autres modes de transports alternatifs : les transports en commun ou le vélo. Il semble donc novateur de chercher à comprendre les logiques d’action qui orientent vers ce choix de déplacement au travers de deux interrogations liées l’une à l’autre : quelles sont les raisons qui amènent des individus à préférer la marche aux autres modes de déplacements ? Comment est vécue cette mobilité plus lente par ceux qui la pratiquent ?

En nous référant à Vincent Kaufmann, nous émettons l’hypothèse selon laquelle le choix de la marche relèverait de diverses motivations qui varieraient selon plusieurs facteurs (localisation, habitudes, valeurs, intérêts personnels…). Mais ce travail mobilise aussi d’autres approches : à l’instar de chercheurs qui s’intéressent à la marche dans sa dimension anthropologique , notamment à l’expérience du corps et des sens dans l’environnement et les ambiances urbaines (cf. Thomas, Jarrigeon, Thibaud, 2010), nous cherchons à mettre au jour les perceptions sensorielles qui se lisent dans les descriptions des cheminements piétons et donnent accès aux logiques sous-jacentes au choix de la marche : « Le déplacement à pied crée un rapport singulier à l’espace et au temps » du fait de sa « lenteur homogène » (Ollivro, 2000). Cette lenteur s’oppose à l’accélération qui intervient dans tous les domaines de la vie sociale et conduit les individus à une conquête permanente de temps (Rosa, 2010). Le domaine du travail est concerné, il est associé aussi à un cadre temporel contraint (cf. Grossin, 1969 ; Naville, 1969), ainsi que « le temps absorbé par des obligations et relations familiales qui sont subies et non choisies ou désirées » (Friedmann, 1964). Si l’ensemble des activités quotidiennes est enserré dans un cadre temporel rapide et coercitif, le temps de déplacement « domicile-travail » effectué à pied est-il vécu comme un temps contraint, libéré du temps de travail mais dépendant de ses cadres temporels (durée, horaires, rythme) ou davantage expérimenté comme un temps libre, choisi, libéré du rythme du travail ? Nous nous proposons donc d’interroger les perceptions temporelles liées à la marche dans un rapport dialectique entre la rapidité des rythmes de vie et la lenteur relative de ce mode de déplacement. La temporalité de ce mode de déplacement, plus lent que les autres, permettrait aux marcheurs volontaires d’investir leur temps de déplacement dans d’autres activités (sport, réflexion, liens sociaux). La marche serait une manière de se réapproprier son temps de déplacement, alors que celui-ci serait perçu négativement avec d’autres modes de transports. Ce temps, au lieu d’être vécu comme perdu ou contraint, pourrait donc être transformé en « temps libéré » (pour d’autres activités) et en « temps libre » (assimilable peut-être à un temps de loisir). Les deux axes s’articulent car la description des perceptions vécues lors des cheminements piétons met au jour « les rationalités sous-jacentes » à ce choix modal (Kaufmann, 2001). Notre objectif est de mieux comprendre comment se construisent ces logiques, entre organisation de la vie quotidienne, rapport au travail notamment, valeurs associées à la marche et caractéristiques du contexte urbain dans lequel elle est pratiquée.

Pour ce faire, nous utiliserons une méthode élaborée au cours du master, consistant à identifier des « milieux de marcheurs » et nous nous inspirerons d’une consigne élaborée par J.F. Augoyard qui permet aux enquêtés de construire des souvenirs facilement restituables et assure à l’enquêteur d’avoir accès aux détails, aux perceptions liées à l’environnement et à la temporalité du déplacement. Nous utiliserons également l’outil des itinéraires commentés pour recueillir les perceptions qu’ont les personnes enquêtées au moment même du déplacement. Nous recruterons de futurs enquêtés à Tours (une enquête a été réalisée au Mans) et nous poursuivrons nos investigations sur un troisième terrain, Paris : il s’agit de mieux saisir les pratiques de la marche dans des contextes différents mais au sein de « milieux sociaux » similaires.