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Fouille en forêt domaniale de Châteauroux

Fouille programmée

Contrat débuté en 2019, achevé en 2019
Responsable scientifique : Solène Lacroix

Cette fouille programmée s’inscrit dans le cadre d’une thèse concernant « la production du fer dans les forêts du Centre de la France, le cas des forêts de Châteauroux (Indre) et de Boulogne/Chambord (Loir-et-Cher) au Moyen Âge » sous la direction de P. Husi (Ingénieur de recherche CITERES - HDR) et la co-direction de N. Dieudonné-Glad (professeur d’archéologie antique à l’Université de Poitiers - HERMA).

Elle a pour but de caractériser un atelier de production du fer daté des 13ème – 14ème s. dans le massif de Châteauroux. Elle s’intègre dans un travail de recherche mené depuis 2017 sur l’artisanat du fer qui s’est implanté dans ce massif au cours du temps et fait suite à plusieurs campagnes de prospection pédestres réalisées entre 2018 et 2019. Le ferrier F090 est de petite dimension, relativement à d’autre observés dans cette forêt, présente une coloration noire et une forme en fer à cheval. Une étude géomagnétique du sous-sol a d’abord été réalisée afin de localiser avec précision les espaces où se trouvaient les activités liées au feu. Une aire ouverte de 112,7 m² a été fouillée sur les 512,3 m² que représente la surface totale du ferrier. Elle a livré trois espaces de travail bien différenciés par une délimitation physique. Chacun de ces secteurs dispose de fonctions distinctes.

Le premier secteur observé est l’espace de réduction. Il comprend deux aires de combustion dont l’une est située au sud-est du ferrier. Cette dernière correspond à une structure creusée sur une quarantaine de centimètre de profondeur dans le sol géologique, où l’on a découvert les vestiges de deux bas fourneaux. Le premier, orienté nord-est/sud-ouest, mesure 1,40 m de longueur, 1,00 m de largeur dans sa partie la plus étroite et 1,40 m de largeur dans sa partie la plus évasée. Il ne reste de cette structure en argile que la partie inférieure en grande partie morcelée et arasée ainsi que des fragments de paroi en argile beige disposés de façon circulaire. Ce four est encastré dans le creusement, probablement dans le but de renforcer sa cheminée lors de la chauffe. Il est associé à un second four par un étroit passage d’environ 0,30 m de longueur sur 0,40 m de largeur creusé dans le substrat. Il est orienté sud-ouest/nord-est et présente des dimensions légèrement plus restreintes que le premier. Il mesure environ 1,20 m de longueur, 0,75 m de largeur dans sa partie la plus étroite et 1,30 m dans sa partie la plus large (Fig.1). Ce four est également très arasé et ne présente plus qu’une partie inférieure en argile extrêmement morcelés et quelques rares fragments en place de paroi en argile beige. Le fait que ces structures soient si dégradées et que l’on n’ait trouvé aucune couche de destruction associée semble signaler que cet espace a été abandonné par les artisans, probablement lorsque les fours sont devenus inutilisables. Ces deux bas fourneaux ont probablement fonctionné en alternance.

Au nord de cet espace se trouvent deux alignements de blocs de silex et de grès. Le premier s’étend sur environ 2 m et est orienté est-ouest et le second mesure approximativement 2, 50 m et est orienté nord-sud. Ces blocs séparent l’espace de réduction et l’espace de rejet situé plus au nord. Au creux de ces alignements, un deuxième espace de réduction est installé sur une légère pente. Il comprend le bas-fourneaux le mieux conservé des trois mis au jour sur le site (Fig.2). Ses parois en argile beige sont encore en élévation sur une quinzaine de centimètre et mesurent une dizaine de centimètre d’épaisseur. On peut également restituer une cuve d’environ 40 cm de diamètre intérieur. Toutefois, un peu moins de 50 % de la structure est encore en place. Ce four présente des traces de chauffe mais contient peu de scorie et aucune scorie interne n’est retrouvée dans la cuve. Il est donc probable qu’il ait été curé avant d’être abandonné. La cheminée du four est montée à la main grâce à l’ajout successif et régulier d’argile et les artisans semblent avoir utilisé un clayonnage en bois pour la maintenir lors de sa fabrication. La présence de sillons longitudinaux observés sur les parois peut être perçu comme le négatif de ce clayonnage. En outre, l’absence d’ouverture dans la paroi du côté de la pente laisse supposer que cette structure appartient à la famille des fourneaux à scorie piégée. Ce type de fourneaux est généralement associé à des périodes plus anciennes, car cette technologie est chronophage pour un rendement peu important par rapport aux bas-fourneaux à scories écoulées par exemple.

Le second secteur aménagé au sein de l’atelier métallurgique se trouve à moins de 10 m au sud-est de la première aire de combustion et se caractérise par un creusement circulaire de plus de 2 m de diamètre pour 0, 20 m de profondeur. La présence de rubéfaction dans le fond du creusement montre que le sol a été chauffé. Cela ajouté aux nombreux fragments de minerai, d’oxydes de fer et de charbon de bois retrouvés dans cet espace vient étayer l’hypothèse selon laquelle il s’agit d’une aire de grillage du minerai.

Enfin, le troisième secteur comprend la zone de rejet des déchets métallurgiques et est situé au nord de l’espace de réduction. Ce secteur est caractérisé par un creusement réalisé dans le sol géologique sur moins d’une vingtaine de centimètre de profondeur. Nous ne connaissons pas son diamètre exact mais au vu de l’ouverture du site il doit être supérieur à 5 m. Les extrémités sud-est et sud-ouest du ferrier sont constituées d’une couche de 50 à 60 cm d’épaisseur limono-sableuse, noire, comprenant de très nombreux fragments de charbon de bois de tailles diverses. Ces couches sont probablement le résultat du rejet et/ou de l’entreposage du charbon de bois au sein de l’atelier.

Dans le but d’estimer l’ampleur de la production du fer sur ce site, un sondage a été ouvert dans la partie la plus épaisse des couches de rejet composant le ferrier. Ainsi dans 6, 93 m³, environ 1 326 kg de vestiges métallurgiques, ont été mis au jour ; soit 44, 5 t de déchets pour les 230, 6 m³ restitué du ferrier. Le ferrier F090 de Châteauroux semble donc avoir été engendré par une activité de faible envergure.

L’organisation de cet atelier métallurgique médiéval présente ainsi un cheminement circulaire qui optimise l’espace et permet aux artisans d’enchaîner les différentes phases de la chaîne opératoire du fer sans se gêner. Cette opération apporte ainsi de nouvelles données intéressantes concernant la production du fer dans une région où elle est issue d’un fort héritage culturel mais a une période pour laquelle très peu d’information sont connues.

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Plan des vestiges de l’aire de réduction du fer située au sud-est de l’atelier métallurgiques F090 de Châteauroux (Indre) – S. Lacroix (CITERES/LAT)
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Photographie des alignements de silex et du bas fourneau (vue vers le nord-est) de l’atelier métallurgiques F090 de Châteauroux (Indre) – S. Lacroix (CITERES/LAT)


Ce contrat s'inscrit dans l'axe de recherche Axe 3 - Pratiques sociales et aires culturelles