Accueil du site > Contrats > Faire la ville en périphérie(s). Territoires et territorialités dans les grandes villes du Maghreb
EMAM
Ministère des Affaires Etrangères et MSH de Paris
Au Maghreb, l’étalement urbain, ainsi que le renouvellement, au cours de ces dernières années, des acteurs, des normes et des pratiques de l’aménagement urbain a considérablement modifié les formes et les processus de l’urbanisation. Si certains estiment que cette dynamique est favorable à une fragmentation urbaine qui se traduirait notamment par la marginalisation des espaces non centraux et péri-centraux, notre groupement, composé de six équipes (deux françaises, deux algériennes, une marocaine et une tunisienne), postule au contraire que les « citadins ordinaires » comme les acteurs officiels de l’aménagement urbain continuent de « fabriquer » de la ville en périphérie(s), en même temps que la ville se « fait », de plus en plus, dans et avec ses périphéries.
Selon cette hypothèse, il est proposé d’examiner les processus de construction/reconfiguration territoriale dans les périphéries des grandes villes maghrébines pour deux raisons : 1) les grandes villes, qui s’apparentent de plus en plus à des aires métropolitaines en formation, constituent des lieux privilégiés des interactions entre dynamiques « nationales » et globalisation ; 2 ) les périphéries de ces « villes-capitales » connaissent des transformations de grande ampleur (étalement urbain, etc.), ce qui fait d’elles des terrains pertinents d’observation des processus de territorialisation en cours.
A la suite des recherches récentes – dont nombre ont été engagées par des membres du groupement -, deux axes de recherche, à savoir les pratiques de mobilités des citadins et les effets territoriaux des politiques urbaines, sont retenus, certes pour leur intérêt propre, mais aussi et surtout pour celui que représente la compréhension de leurs interactions. En ce qui concerne les pratiques de mobilité, la réflexion portera, à partir des itinéraires résidentiels, sur les mobilités résidentielles en direction des périphéries, sur les pratiques de mobilité liées aux sociabilités en tant qu’elles contribuent à la construction/reconfiguration des territoires urbains, et sur l’émergence de nouvelles urbanités dans les nouveaux quartiers de résidence. L’analyse des effets territoriaux des politiques urbaines et, plus largement, des modalités du gouvernement des périphéries urbaines, suscitera deux nouvelles orientations de recherche : 1) il s’agira tout d’abord de déterminer dans quelle mesure les nouvelles politiques urbaines, en particulier l’urbanisme de projet très en vogue au Maghreb aujourd’hui, agissent sur le procès de territorialisation et sur la formation des identités des métropoles ; 2) on cherchera à identifier les médiations opérées par le territoire (au sens large) au plan des régulations sociales et politiques, en examinant la refonte des territoires politico-administratifs et la reconfiguration des territoires de la gestion urbaine et de la planification, deux dynamiques potentiellement favorables à la remise en question des formes de gouvernement des périphéries, ainsi qu’à la redéfinition du rôle des municipalités au sein des dispositifs de gestion urbaine.
Privilégiant la démarche comparative, la recherche portera sur quatre terrains principaux, à savoir les périphéries de Casablanca, d’Alger, d’Oran et de Tunis. Des enquêtes à l’échelle micro seront conduites dans les quartiers mal lotis (bidonvilles, quartiers « clandestins » et quartiers réhabilités où les interventions publiques induisent probablement des changements dans les spatialités et les sociabilités des habitants) et dans les ensembles résidentiels à revenus moyens et élevés, car les sociétés urbaines expérimentent dans ces quartiers en formation de nouvelles manières de s’approprier l’espace, en même temps qu’elles y inventent de nouvelles territorialités, selon des études récentes. Ces analyses micro seront combinées avec des recherches conduites à l’échelle méso. Ces dernières porteront notamment sur les recompositions spatiales suscitées par les interactions entre les nouvelles normes urbaines, souvent importées, et les pratiques citadines, ainsi que sur les conditions d’émergence de nouvelles centralités au sein des aires métropolitaines. Des études seront également engagées dans des centres régionaux d’importance comme Sousse (en Tunisie), Tlemcen (Algérie), Fès, Rabat-Salé et Tanger (Maroc) par des chercheurs confirmés et par des doctorants (inscrits en thèse dans les équipes françaises et maghrébines), l’objectif de notre groupement étant, en dernier ressort, de fournir un cadre de réflexion commun aux jeunes chercheurs sur l’urbain au Maghreb.