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EMAM
La dimension spatiale de la pauvreté. Transformations urbaines et marginalisation socio-spatiale dans les quartiers péricentraux de Budapest et de Casablanca
2013
De nombreuses recherches sur les phénomènes de ségrégation et de ghettoïsation dans des métropoles situées à la périphérie des pays post-fordistes ont montré l’émergence de nouvelles dynamiques de pauvreté dans l’espace urbain, nourries à la fois par des transformations globales du contexte économique et par des recompositions importantes de l’organisation sociale. Ces dynamiques sont rendues particulièrement visibles par la stigmatisation de quartiers dits « en difficulté », dans lesquels se concentreraient un certain nombre d’« handicaps sociaux » qu’il s’agirait de combattre. La transformation de ces « espaces de déréliction » est alors présentée comme un enjeu central dans la lutte contre la taudification urbaine, en marquant par la table rase un coup d’arrêt aux dynamiques de paupérisation. Cette « reconquête urbaine » s’inscrit souvent dans des stratégies plus globales de réorganisation métropolitaine, dont l’objectif politique est autant d’attirer les investisseurs privés que d’élargir l’offre de logements aux classes moyennes et moyennes supérieures. La pertinence du cadre théorique de la « ville néo-libérale » semble faire consensus pour expliquer la convergence des politiques urbaines dans un contexte de concurrence économique accrue entre les métropoles dans la mondialisation. Pour autant, ce cadre semble insuffisant pour expliquer la diversité des formes contemporaines de la pauvreté, soumises à la fois à ces effets structurels importants, mais aussi au poids des contextes sociaux, politiques et économiques et à la force du travail des sociétés locales sur elles-mêmes. Il s’agira donc à la fois de décrire ces formes de pauvreté et surtout de comprendre la part de l’espace dans les processus de marginalisation et/ou de paupérisation de certains groupes. A partir d’un travail de type ethnographique dans des quartiers péri-centraux de Budapest et de Casablanca, nous chercherons à mettre en évidence, par la comparaison, les régularités dans les processus observés et, partant de là, à mieux identifier les spécificités de chaque terrain. Magdolna à Budapest et Mers Sultan à Casablanca sont deux quartiers situés aux abords immédiats des centres urbains, et font depuis longtemps l’objet d’une très grande stigmatisation et d’un certain enclavement symbolique. Pourtant, ils abritent tous les deux des populations diverses, allant des couches sociales les plus modestes à celles aux revenus moyens. Depuis quelques années, ces quartiers font l’objet de tensions, voire de conflits entre habitants (notamment entre propriétaires et locataires), dans un contexte d’intervention des pouvoirs publics au profit de promoteurs privés qui cherchent du terrain disponible pour construire des immeubles de bureaux ou de logement de haut standing. Dans un premier axe, nous nous intéresserons à la place des quartiers dans les représentations, les discours et les pratiques des habitants. Il s’agira à la fois d’interroger la perception des évolutions des quartiers dans le temps, autant que les formes et modalités de l’organisation sociale, à travers notamment les jeux de distance physique et symbolique entre les groupes et les individus. Dans un deuxième axe, nous chercherons à saisir la place de ces quartiers dans les trajectoires des groupes marginalisés. Dans la mesure où, un bon nombre d’entre eux sont originaires des arrière-pays paupérisés des espaces métropolitains, cette entrée permettra de saisir le sens de ces mobilités, autant que leur caractère subi, consenti ou choisi. Il s’agira entre autres de comparer les ressources mobilisées dans ces stratégies spatiales, à travers notamment le concept de capital socio-spatial. Dans le troisième axe, nous nous intéresserons aux conflits pour l’espace en ville. Il s’agira à la fois de s’interroger sur la nature de ces conflits et de comparer les systèmes d’acteurs qu’ils mobilisent, en mettant à chaque fois en évidence les intérêts et les discours qui fondent la légitimité à agir. Nous nous interrogerons notamment sur l’articulation entre ces arènes locales et le poids normatif des rhétoriques de l’action politique et de la résistance sociale mises au point et définies à l’échelle internationale.