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Guichane Raoul

Le savoir des constructeurs de moulins hydrauliques et l’équipement des cours d’eau en Touraine du Moyen Age à l’époque contemporaine, Thèse, Université de Tours.

Thèse soutenue le 8 janvier 2002
Direction : Elisabeth Zadora-Rio

Les moulins hydrauliques ont été les premières machines à mettre à la dispositon des hommes de l’énergie en quantités plus grandes et d’une autre nature que celle dont ils disposaient jusque là, l’énergie musculaire des hommes eux-mêmes et des animaux domestiques.

Or le concept même d’énergie a été long à concevoir et n’a été élaboré et formulé qu’au XIXe siècle, soit presque deux mille ans après la construction du premier moulin. D’où la question que nous nous sommes posée : quelle idée les constructeurs de moulins se faisaient-ils de la « force », puisque tel était le terme employé jusqu’au XIXe siècle, qu’ils utilisaient ?

Faute de trouver dans les sources avant la fin du XIXe siècle les enseignements techniques, et a fortiori théoriques, susceptibles de nous éclairer, nous avons opté pour une méthode régressive à partir de deux recensements datant de 1879, un recensement des cours d’eau et un recensement des moulins hydrauliques.

Nous avons limité nos recherches dans l’espace et dans le temps, dans l’espace au département d’Indre-et-Loire qui coïncide à peu près avec l’ancienne province de Touraine, ce qui nous procure une certaine unité archiviste, et dans le temps entre la date de la première mention connue à ce jour d’un moulin en Touraine, celui de saint Ours à Loches, au Ve siècle, et la date de 1879 qui est le point de départ de notre remontée dans le temps.

Nous avons procédé d’abord à un bilan historiographique susceptible de nous éclairer sur la diffusion des moulins hydrauliques. Après avoir souligné l’impulsion donnée à cette étude par Marc Bloch en 1935, nous avons constaté de par les sources littéraires ou archéologiques que la construction de moulins s’était répandue dans l’empire romain et même au-delà bien plus vite que ne le croyait Marc Bloch. A partir des XIe/XIIe siècles, une part importante des moulins actionnaient des machines autres que les meules à grains. Puis nous avons établi les équations de fonctionnement d’un moulin hydraulique. Nous avons constaté que la puissance d’une chute d’eau dépend de constantes physiques, masse volumique de l’eau et intensité de la pesanteur, et de paramètres géographiques, débit et hauteur de chute, et que la puissance utile dépend en plus du rendement de la roue. Ce qui nous a permis de comprendre les critères selon lesquels les constructeurs ont choisi les sites d’implantation et les types de roues adaptés à ces sites.

Nous nous sommes alors interrogé sur la permanence des caractéristiques de ces sites pendant la période Ve-XIXe siècle.

En ce qui concerne les hauteurs de chutes, nous avons montré que leurs modifications éventuelles n’avaient pas dû entraîner de perturbation significative.

En ce qui concerne les débits des cours d’eau, nous nous sommes interrogé sur les perturbations produites par les variations climatiques et en particulier par le « Petit Age Glaciaire ». Nous avons même procédé à une simulation mathémathique pour traduire ces perturbations en valeurs numériques. Nous avons conclu que seule la marche des moulins construits sur les petits cours d’eau avait pu être gênée, sans être bouleversée. Ainsi avons-nous justifié la projection dans le temps des valeurs numériques données par les recensements de 1879. Après avoir fait la critique des sources que nous avons utilisées, nous avons codifié les informations que nous avons recueillies pour construire deux bases de données, une pour les cours d’eau, une pour les moulins. Au-delà des renseignements d’ordre géographique, physique, ou historique, tirés des sources, nous avons défini et utilisé deux outils qui se sont révélés d’une grande efficacité : les taux d’équipements des cours d’eau en nombres de moulins et en puissances. Ce sont ces outils qui nous ont permis des comparaisons décisives pour étudier les implantations de moulins aussi bien dans l’espace que dans le temps.

Parallèlement, nous avons dressé des cartes sur lesquelles les sites sont identifiables par un symbole indiquant leur type de roue et par un numéro indiquant leur position dans leur commune et sur leur cours d’eau.

Nous étions dès lors outillé pour étudier l’implantation des moulins dans le temps, par commune, et par cours d’eau, ou portion de cours d’eau, ou groupe de cours d’eau.

Il nous est apparu que les cours d’eau les plus prisés des constructeurs étaient les cours d’eau de débits moyens, qu’aucun d’entre eux n’avait été négligé, que leurs taux d’équipements étaient supérieurs à ceux des autres, que les cours d’eau plus faibles avaient été soit inexploités, soit peu exploités, que les cours d’eau plus puissants comme le Cher ou l’Indre avaient des taux d’équipements assez élevés en nombres de moulins, mais faibles en puissances, que de ce fait une grande partie de l’énergie des cours d’eau de Touraine avait été perdue, et que seules comptaient dans le choix des sites d’implantation les qualités hydrodynamiques de ces sites.