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Adam Matthieu

La production de l’urbain durable. L’enrôlement des concepteurs et des habitants par l’intégration des contradictions

Thèse soutenue le 14 juin 2016
Direction : Denis Martouzet

Résumé :

La production de l’espace urbain vise à la fois l’établissement d’une réalité matérielle, et la transmission de valeurs. Celle-ci s’effectue à travers les réalisations matérielles, et la diffusion de discours théoriques et pratiques sur la ville et l’espace. Chaque époque se caractérise par son mode de spatialisation qui reflète l’idéologie dominante et influence les représentations des acteurs, parmi lesquels ses concepteurs et ses habitants. La production contemporaine de l’urbain est ainsi marquée par le néolibéralisme. Cela se traduit par deux phénomènes, d’une part, la marchandisation des espaces au service des intérêts des villes, en concurrence à l’échelle mondiale, et le processus de métropolisation qui concentre les valeurs dans, et autour, des plus grosses d’entre elles. Cela se traduit, d’autre part, par la diffusion généralisée de certains mots d’ordre. Les plus répandus sont le projet, le développement urbain durable, la participation et la mixité sociale. Ce contexte et ces mots d’ordre introduisent des contradictions entre la rhétorique et la pragmatique de la production de l’urbain. Quatre sont principalement identifiées : l’opposition entre l’horizon théoriquement infini du projet, et sa concrétisation dans des opérations au temps limité et cadré ; le décalage entre les valeurs associées au développement urbain durable, et des réalisations dictées par des impératifs économiques ; la contradiction entre l’injonction à la participation, et une pratique de l’urbanisme demeurant descendante ; l’écart entre une mixité prônée, et une urbanisation socialement sélective.

Bien que concepteurs et habitants identifient ces contradictions, et tiennent des discours critiques vis-à-vis de cette production, peu de conflictualité, sinon pas, émerge et en résulte. Partant de l’idée que si elles ne conduisent pas à l’opposition, ou au conflit, ces contradictions occupent une autre fonction, l’objectif de ce travail est de la mettre à jour, de l’interroger et de l’expliquer. Il en découle le jeu d’hypothèses suivant. La première est que cette fonction est d’ordre relationnelle, la deuxième est qu’il est possible de la rendre intelligible par l’étude dialectique, des représentations des deux groupes sociaux, de projets emblématiques, et la troisième est que celles-ci sont accessibles par les discours. À partir de ces hypothèses, et d’un positionnement critique sont développées les approches épistémologique, théorique, et méthodologique de la thèse. Elle s’appuie sur une épistémologie constructivo-structuraliste, et sur l’outil conceptuel que sont les représentations. Ces choix conduisent à modéliser le projet urbain comme un dispositif de médiation des représentations des concepteurs et des habitants. Puis, ils définissent les conditions qui rendent possible le fait à la saisie par les discours. Aussi, la méthode inhérente au travail est double : des visites libres et des entretiens semi directifs ; le couplage d’outils d’analyse de discours, et de contenu.

L’examen des propos, recueillis auprès des acteurs des projets d’écoquartiers de Bottière-Chénaie (Nantes), et de Confluence (Lyon), montre que les contradictions mises en évidence sont intégrées au mode de production. Ainsi, elles n’occupent, non pas une fonction oppositionnelle mais mobilisationelle puisqu’elles participent, par différentes logiques, à enrôler concepteurs et habitants, consolidant ainsi la production contemporaine de l’urbain.