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L’urbanisme en campagne : Pratiques de planification des sols et d’aide à la décision dans des communes rurales françaises
Dans les petites communes rurales françaises, les modalités d’élaboration des règles locales d’urbanisme se distinguent des territoires urbains par l’absence d’ingénierie propre, la prégnance de l’interconnaissance entre élus municipaux et usagers de l’espace et la forte disponibilité physique potentielle de la ressource foncière. Le processus de normalisation du droit des sols qui caractérise les campagnes interroge ainsi les effets de la proximité sociale entre décideurs et publics-cibles, de la bureaucratie administrative restreinte et des pratiques d’arrangements entre acteurs territoriaux.
En s’appuyant sur ce contexte politico-administratif particulier, cette thèse interprète les pratiques d’élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU) sous l’angle des injonctions à la mise en œuvre d’une planification durable de l’espace et de la transformation du cadre organisationnel de l’action publique territoriale. Depuis quelques années, le législateur renforce l’étendue des champs sociaux régulés par les documents locaux d’urbanisme et tend à faire de la préservation de l’environnement l’enjeu majeur de ces dispositifs. Mais cette dynamique « d’écologisation » des objectifs de l’action publique se déploie dans un contexte marqué par la remise en cause du modèle de co-administration des territoires entre les agents des services déconcentrés de l’État et les élus locaux. La vacance technique engendrée par ce recentrage de l’action des Directions départementales des Territoires n’est que partiellement compensée par l’intercommunalité rurale, les acteurs intermédiaires (chambre d’agriculture, parc naturel régional) ou le recours à une maîtrise d’œuvre privée.
Cette recherche pose l’hypothèse de la diffusion d’un processus de « régulation locale » de la planification spatiale centrée sur le maire rural dont les mécanismes institutionnels questionnent la possibilité de produire localement une norme opérationnelle d’urbanisme rural durable. Pour investiguer cette assertion, nous nous appuyons sur une démarche de recherche-action organisée autour d’un outil d’aide à la décision baptisé « Système Intégré Urbanisme » (SIU). Celui-ci est développé dans le cadre de la révision de la charte du Parc naturel régional des Ballons des Vosges et expérimenté avec les élus de trois communes élaborant leur plan local d’urbanisme. Ce dispositif de recherche permet d’analyser en situation les caractéristiques du système de gouvernance des petites communes rurales, et notamment les effets de la proximité sociale sur le contenu de la norme locale de planification spatiale. Fondés sur des études de cas, les résultats présentés permettent une montée en généralité, mais doivent être nuancés afin de s’adapter à la diversité des mondes ruraux.
À partir de ces matériaux empiriques, la thèse interroge en particulier trois aspects des tensions entre les enjeux globaux d’un urbanisme durable et une gestion locale du dispositif d’action publique. D’une part, la dynamique de « régulation locale » réorganise autour du maire rural l’équilibre des pouvoirs entre les acteurs institutionnels associés à l’élaboration du PLU. Elle reconfigure ainsi le référentiel cognitif de l’action publique locale en redessinant les contours du processus d’hybridation entre les connaissances des techniciens de l’action publique et les savoirs territoriaux des élus locaux. D’autre part, ce recodage des connaissances donne aux élus municipaux une plus grande marge d’action dans la définition des priorités locales. Ce faisant, il déplace les modalités habituelles de légitimation de la décision publique et renforce le poids des contraintes issues de leur proximité sociale avec les usagers de l’espace. Le maire rural se retrouve isolé à devoir arbitrer entre les injonctions croissantes à la réduction de la consommation des ressources naturelles, formulées par les techniciens de l’action publique, et les doléances locales de ses concitoyens à la pérennisation des droits à construire octroyés par les anciens plans d’occupation des sols. Cette situation questionne ainsi la capacité du processus de « régulation locale » à favoriser la production de normes locales d’urbanisme rural durable. Enfin, le recours aux outils techniques de l’action publique, et notamment aux instruments d’évaluation de la durabilité, apparaît comme une alternative à la réduction de la présence territoriale des agents publics. Mais nous montrons que par la nature transactionnelle des connaissances mobilisées, l’efficacité de cette médiation par les outils renforce, la plupart du temps, la nécessité d’une présence territoriale des institutions auprès des élus locaux.
Mots-clés Urbanisme rural durable, plan local d’urbanisme, communes rurales françaises, régulation locale, négociation, système technique d’aide à la décision, circulation des connaissances, pratiques territoriales, parc naturel régional.
SOUS LA DIRECTION DE : Corinne LARRUE, Professeur des universités, Université François - Rabelais Jean-Philippe WAAUB, Professeur, Université du Québec à Montréal Maurice BLANC, Professeur émérite des universités, Université de Strasbourg
RAPPORTEURS : Jocelyne DUBOIS-MAURY, Professeur des universités, Université Paris Est Créteil Catherine TRUDELLE, Professeur, Université du Québec à Montréal
JURY : Maurice BLANC, Professeur émérite des universités, Université de Strasbourg Jocelyne DUBOIS-MAURY, Professeur des universités, Université Paris Est Créteil Corinne LARRUE, Professeur des universités, Université François - Rabelais Patrice MELÉ, Professeur des universités, Université François - Rabelais Catherine TRUDELLE, Professeur, Université du Québec à Montréal Jean-Philippe WAAUB, Professeur, Université du Québec à Montréal