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Anglade Marie-Pierre

Casablanca, une « ville à l’envers ». Urbanités métropolitaines au prisme de la marginalité sociale au Maroc

Thèse soutenue le 14 décembre 2015
Direction : Co-directrices : Nora Semmoud et Agnès Deboulet

Les espaces publics de Casablanca au Maroc connaissent une évolution sans précédent liée à un éventail insoupçonné de pratiques d’habitants en situations anomiques. La nature des espaces étudiés, ainsi que leurs caractéristiques physiques génèrent une liberté d’action de la part de certains habitants propre à alimenter les représentations consacrant ces espaces comme véhicules de transgressions. Il s’agit, de ce point de vue, d’une approche renouvelée de la perception de la ville au Maroc : n’est-il pas fertile de s’intéresser à la façon dont l’espace crée la différence et dont la différence crée l’espace ? Or, ce sont les catégories sociales à l’origine de ces nouvelles représentations qui parlent de la réalité différentielle de la ville : consommateurs et vendeurs de psychotropes, sans-abri, personnes « logées » alcoolo-dépendantes, candidats à la clandestinité, homosexuels engagés dans des jeux de séduction nocturnes. Dans ce sens, l’accessibilité devient la clef de lecture de ce qui constitue l’enjeu majeur des espaces publics : comprendre la ville d’aujourd’hui à travers la lecture de ses marges.
La marginalité sociale peut être lue comme l’évolution d’une situation inédite par rapport à une norme ambiante. Au Maroc, cette question se pose avec autant d’acuité que la conformation à la règle structure fortement les représentations. Des lois anciennes héritées des droits coutumiers et religieux sont en effet à l’origine d’une certaine vision du monde et du quotidien, et se heurtent aujourd’hui à une réalité sociale propre à faire vaciller les convictions et l’assurance de codes de conduite recevant l’aval de tous. L’émergence de l’importance de l’individu dans la société communautaire est, par ailleurs, à même de créer un ensemble d’inadéquations entre représentations traditionnelles véhiculées par l’éducation et les institutions, les réalités de la vie dans le temps présent et les aspirations.
Il s’agit, dans un premier temps, d’étudier la matérialisation de la marginalité sociale dans l’espace public. S’interroger sur ces manifestations spatiales revient à analyser les ajustements entre représentations anciennes et modes de vie contemporains. C’est dans cet espace hésitant loin d’être vide, dans cet entre-deux, que se fait la ville de l’autre côté. Dans ce sens, s’interroger sur l’expression spatiale de la marginalité sociale revient à insister sur les ajustements entre représentations estimées caduques et modes de vie contemporains.
Et à l’inverse, on peut se demander si l’espace de la marginalité va exclure définitivement son usager au regard de l’ensemble de la société et des espaces de la ville. Il s’agit, par conséquent, de déceler les formes subtiles d’expression de la différence, loin de s’ériger en nouveau modèle et, dans ce but, d’étudier ce qui permet le changement dans le temps.
S’inscrivant dans l’approche plus générale des changements socio-spatiaux entraînés par l’urbanisation rapide qu’ont connu les pays du Maghreb, ce travail de recherche se propose d’explorer, du point de vue des sciences sociales, les interactions entre l’évolution morphologique urbaine et les changements dans l’urbanité quotidienne des groupes sociaux pour qui les marges urbaines constituent l’environnement familier, le cadre de vie. Dire tout ce que cette frontière, entre l’intolérable et l’acceptable, a de fluctuant, de poreux et de fugace. Comprendre cette autre dichotomie de l’espace.