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Evaluation du potentiel archéologique du sol en milieu urbain.
Dans toutes les villes historiques, plusieurs mètres de matériaux séparent la surface actuelle du toit des couches géologiques. Que l’on qualifie ce dépôt d’archéologique ou d’anthropique, il constitue un volume qui correspond en étendue à l’espace urbanisé ancien et qui est plus ou moins épais, plus ou moins stratifié, plus ou moins bien conservé selon les lieux d’une même ville. Il est donc nécessaire de pouvoir évaluer aussi précisément que possible le potentiel archéologique du volume du sol urbain à diverses échelles : celle du site ou du chantier, celle de l’îlot, celle d’une ville.
La reconstruction des villes et le développement des opérations d’urbanisme après la Seconde Guerre mondiale ont engendré des destructions massives de ce volume de sol urbain entraînant la perte d’informations pour la connaissance de l’histoire des villes. Le développement de l’archéologie urbaine à partir des années 1960 et, surtout, la prise de conscience du phénomène d’ « érosion de l’histoire » favorisent la mise en place de la pratique de l’évaluation en milieu urbain dans certaines villes d’Europe.
L’évaluation du potentiel archéologique des villes en Europe, et particulièrement en France, est motivée par de nombreuses questions d’ordre scientifique liées à l’ampleur du phénomène urbain sur l’étendue du territoire national et liées à la durée d’existence des villes. La thèse vise à répondre aux questions historiques concernant les villes par l’évaluation du potentiel informatif du sous-sol. Elle consiste à appréhender les modalités de formation de l’espace urbain et des composantes socio-spatiales à travers les caractéristiques du sol urbain produit par les activités humaines. L’approche est avant tout archéologique car le questionnement est d’ordre historique mais elle intègre la vision des géotechniciens pour expliquer le caractère hétérogène du dépôt archéologique. Son apport est méthodologique et consiste à proposer une grille d’analyse des observations disponibles et utiles pour appréhender les modalités de formation de l’espace urbain, puis à exploiter leur potentiel informatif pour résoudre les objectifs de l’évaluation notamment la reconnaissance et la caractérisation du dépôt archéologique ainsi que la modélisation de la ville en fonction de l’intensité de l’occupation humaine. L’étude propose alors de coupler les données archéologiques et les informations géologiques, géophysiques et géotechniques, à l’échelle de l’espace urbanisé ancien. Les analyses ont porté notamment sur l’estimation de l’épaisseur du volume de sol urbain et son découpage en tranches fonctionnelles distinctes pour la ville de Tours et des sites de comparaison (Cinq-Mars-la-Pile, Lyon, Stolpie).
Le croisement de la vision de l’archéologue et du géotechnicien permet de proposer des modèles sur la production de stratification (carte des épaisseurs du dépôt archéologique) et des méthodes pour modéliser l’hétérogénéité du dépôt. Les résultats révèlent qu’un maillage théorique de 100 mètres est satisfaisant pour saisir les variations de l’épaisseur du dépôt. Dans la dimension verticale, l’échelle d’analyse adaptée à la distinction de zones dite « homogènes » est de l’ordre de 10 – 25 cm. A l’échelle d’un site, un référentiel archéologico-mécanique a été établi pour des sites de Tours et de Lyon.
On a vu que depuis la fin des années 1970 et, surtout depuis les dernières lois de 2001 et 2003 sur l’archéologie préventive, la politique de patrimonialisation réduit la pratique de l’évaluation à l’estimation des coûts financiers et de rendements des résultats au détriment de la définition d’une véritable politique de recherche scientifique (définition de questions historiques, hiérarchisation des sites). C’est pourquoi le choix des techniques d’évaluation est primordial en terme de rentabilité financière et scientifique. On a démontré que l’emploi du pénétromètre PANDA est en mesure de répondre à ce compromis par ses avantages techniques et son utilité pour reconnaître et caractériser le dépôt archéologique. De plus, les résultats du couplage du pénétromètre avec le géoendoscope montrent qu’il est pertinent de renouveler l’expérience sur d’autres sites en milieu urbain.
Pour conclure, l’étude a, dans cette première phase d’étude conduite en quatre ans, privilégié la lecture du volume du sol urbain dans sa dimension verticale. Elle a ouvert la voie à des travaux complémentaires : la définition plus précise des composantes socio-spatiales dans la dimension horizontale qui permettra de proposer un découpage plus fin de la ville ; l’affinement du modèle de production de stratification ; enfin, par la multiplication des points d’observations, la possibilité de réalisation de paléo-MNT à un temps t.