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Journée d’étude

Journée d’étude : « Villes durables au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ? »

30 juin 2022

Jeudi 30 juin 2022, 9h00-17h15, CAREP Paris, 12, rue Raymond Aron 75013 Paris (hybride)

Journée d’étude CAREP/CITERES-EMAM

Du fait de la prégnance de la question écologique partout dans le monde aujourd’hui et des enjeux de développement dans le monde arabe, l’on assiste depuis les années 2000 à l’émergence d’un urbanisme dit “durable” ainsi qu’à l’institutionnalisation du développement urbain durable (DUD) au Maghreb et au Moyen-Orient.

L’idée selon laquelle la ville devrait être “produite là où elle est nécessaire” connaît une longue histoire dans la pensée occidentale et a conduit à l’émergence du concept hégémonique de développement urbain. La littérature en géographie et en études urbaines est aujourd’hui pleine d’exemples de villes construites dans des zones arides, jugées naturellement inhabitables.

Depuis que le concept du développement urbain durable a été inventé par le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, il s’est peu à peu imposé comme un concept hégémonique dans le sens gramscien du terme. Autrement dit, le DUD a généré le “sens commun”, c’est-à-dire la manière non critique et partiellement inconsciente dont les professionnels de la ville durable ont désormais perçu celle-ci.

Comme pour tout concept hégémonique, cette vision a été portée au-delà des institutions étatiques par certains acteurs de la société civile, comme par les entreprises privées. Ces derniers jouent en effet un rôle important dans la propagation d’idées et d’idéologies qui structurent le sens donné au DUD, comme les “villes vertes” et les “éco-quartiers” par exemple.

Toutefois, cette conception et représentation de la “ville durable” a favorisé certains acteurs plutôt que d’autres. Très portée par des architectes paysagistes, des entreprises de construction voire, les États eux-mêmes qui y voyaient un moyen pour attirer les investisseurs étrangers ou encore pour affirmer leur autorité politique, le DUD a perdu son “encastrement écologique” (Makhzoumi, 2020 ; Klinger, 2022). Autrement dit, la conception dominante du DUD n’a que peu favorisé les approches locales et les savoir-faire existants en matière d’urbanisme écologique.

Si ce constat se veut général, il se vérifie avec acuité dans le monde arabe. La littérature scientifique a en effet au moins pointé trois obstacles au DUD dans les pays de la région : la monopolisation de ce développement par les États dans le but de relégitimer les régimes en place, la quasi-absence d’une “diplomatie des villes” dans la région susceptible d’inscrire plus fortement les enjeux environnementaux à l’agenda politique, et un éco-activisme éclaté qui ne débouche pas sur des réseaux de pressions forts (Barthel, 2020).

Malgré le caractère innovant de certains projets, les politiques de développement durable des villes arabes semblent demeurer largement centralisées et dépendantes des organisations non gouvernementales ainsi que de l’aide internationale, un fait qui n’a pas échappé aux critiques qui dénoncent un “impérialisme vert”. En effet, depuis les travaux pionniers de Gilbert Rist sur le “développement” comme croyance occidentale (Rist, 1996), il n’est plus possible d’omettre le caractère performatif de ces concepts et leurs divers présupposés, comme l’évolutionnisme social, l’individualisme, l’économicisme, etc. Autrement dit, le développement urbain durable – tel qu’il est porté par les organisations internationales et les grands bureaux d’études ou cabinets en conseil et stratégie, tels que McKinsey, connu pour avoir rédigé l’ensemble des “visions plans” des pays du Golfe – traduit une certaine acception du développement qui répond plus souvent à des valeurs occidentales qu’aux valeurs et ambitions des sociétés locales.

Dans l’architecture, cela peut également se traduire par les choix architecturaux et technologiques opérés dans les villes du monde arabe. Comme l’observait déjà le théoricien politique américain, Langdon Winner, dans les années 1980, les artefacts ont aussi une politique (Winner, 1999). Cette observation, qui nous vient du champ des STS (Science and Technology Studies), nous semble aussi applicable à celui de la géographie urbaine et à l’urbanisme en particulier. Car les choix des technologies et techniques employées dans la construction des villes dites “durables” incarnent, eux aussi, des relations sociales et des relations de pouvoir qu’il s’agit de mettre en évidence.

Dans ce contexte, notre journée d’étude cherche à croiser des analyses venant des champs des development studies, des science and technology studies, de la critical political ecology et de la géographie urbaine autour de la notion du développement urbain durable dans l’aire géographique du Maghreb et du Moyen-Orient. Nous reviendrons sur l’élasticité du concept de développement urbain durable, son appropriation et son impact sur l’action publique dans les pays de la région. Nous évoquerons également les acteurs impliqués dans les projets de DUD – notamment les stratégies communicationnelles de légitimation des acteurs politiques – ainsi que la viabilité des initiatives locales et citoyennes dans les villes du monde arabe qui proposent des voies alternatives. Enfin, nous nous intéresserons également à la prolifération des villes dites “intelligentes” auxquelles on accole souvent l’étiquette de la durabilité. Mais qu’en est-il réellement ?

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