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Sarreste Florian

La sidérurgie ancienne dans le Bas-Maine (VIIIe s. av. J-C. - Xve s. ap. J.-C.)

Thèse soutenue le 24 novembre 2008
Direction : Alain Ferdière

La découverte d’importants sites de réduction du minerai de fer au nord du Mans (Sarthe), lors des travaux archéologiques préalables à la construction de l’autoroute A28, et celle d’ateliers de forges d’époque romaine dans la capitale de cité antique des Diablintes, Noviodunum/Jublains (Mayenne), ont attiré l’attention sur la métallurgie du fer dans une région encore méconnue, le Maine. Cette étude porte sur la sidérurgie ancienne dans la partie occidentale de cette ancienne province, le Bas-Maine. Cette aire géographique recouvre l’actuel département de la Mayenne, le sud-ouest de l’Orne et une partie de l’ouest de la Sarthe.

L’application systématique de plusieurs méthodes de recherche documentaire (bibliographie, toponymie, examen des photographies aériennes verticales de l’IGN) a permis d’inventorier 865 indices de sites liés à la métallurgie du fer. Parmi eux, environ les deux tiers ont fait l’objet d’une vérification de terrain. Parmi les 484 sites avérés, près de 90 % sont liés à la réduction directe du minerai de fer. 273 ferriers, correspondant à autant d’ateliers de réduction, ont été enregistrés, auxquels il faut ajouter l’existence probable d’ateliers associés aux blocs de scorie piégée découverts hors de tout contexte archéologique. Ce chiffre demeure relativement modeste par rapport à la superficie étudiée, d’autant plus si on le rapporte à la durée prise en compte, soit 23 siècles, entre le premier Âge du Fer et le Moyen Âge (VIIIe av. - XVe ap. J.-C.).

La chronologie des sites est encore mal assurée mais permet d’affirmer que la production de fer par la méthode directe apparaît ici dans le courant de la période de Hallstatt et perdure dans la région jusqu’au XVe s., peut-être avec un hiatus entre la fin du Haut-Empire et le Moyen Âge central. L’essentiel de la production semble ainsi dater de l’époque romaine, et plus spécifiquement du Haut-Empire, ainsi que, dans une moindre mesure, des XIe-XIIe s. et XIVe-XVe s.

La répartition des sites permet de cerner quinze zones de production (concentration de sites de réduction) dans le Bas-Maine et à ses marges. Ces ensembles peuvent être partagés en trois catégories, en fonction de leur importance. Cinq zones de production de premier niveau pourraient diffuser leur production à l’échelle régionale ou supra-régionale. Les dix autres secteurs, plus petits (deuxième et troisième niveaux), témoignent d’une production de fer modeste et étalée dans le temps.

Les vérifications de terrain ont permis de distinguer plusieurs faciès de scories de réduction coulées. Les analyses chimiques menées sur des scories de deux faciès différents, collectés sur seize sites de la zone d’étude, laissent présumer de l’existence de variations techniques au sein de la filière directe, et notamment d’un éventuel progrès technique intervenu durant le Haut-Empire, amenant à la production de résidus de morphologie distincte. Cette évolution, corrélée avec une certaine forme de rationalisation de la production, a semble-t-il entraîné une forte augmentation de la quantité de métal produite durant l’époque romaine. Dans ce cadre, les interrogations demeurent nombreuses. Il n’est pas encore possible d’élargir ces constatations aux autres faciès et se pose donc la question de l’existence d’autres variations techniques au sein de la filière directe d’obtention du fer, au cours du temps.

L’analyse spatiale, angle d’approche de la problématique de ce travail, a mis en évidence certains phénomènes, et notamment permet d’exclure, pour la région étudiée, la présence d’un cours d’eau comme critère d’implantation des ateliers de réduction, et ce, semble-t-il, pour toutes les périodes. En fait, il apparaît que c’est bien, comme ailleurs, la présence de bois qui dicte, avant celle de minerai sur place, l’installation d’un atelier de réduction directe dans le Bas-Maine. En outre, l’étude du contexte archéologique des zones de production a révélé leur position particulière au sein du territoire. Ainsi, les deux tiers se trouvent à proximité ou sur une ancienne limite administrative et les autres voisinent avec une agglomération. Les données chronologiques manquent encore pour interpréter clairement cet état de fait, mais on peut sans doute envisager le rôle joué par les contraintes socio-économiques amenant à la concentration des sites de production à ces endroits (propriété des terres, distance aux agglomérations, ouverture sur le marché).

Les données acquises grâce à l’analyse spatiale des sites de production sidérurgique à l’échelle du territoire ont été complétées par la fouille d’un site de réduction directe du fer de la zone d’étude. Les résultats de cette opération sont importants. On a pu mettre en évidence que l’atelier mis au jour, de dimensions relativement modestes, a produit plus de 1 000 t de fer en un peu moins d’un siècle, entre 70 et 170 ap. J.-C. Pour cela, les artisans romains ont mis en œuvre plus de 4 450 t de minerai, importé depuis des gisements distants de plus de 4 km. La consommation de bois est estimée à environ 53 240 t. L’ensemble des ces résultats ouvre des perspectives de recherches novatrices pour l’étude de la sidérurgie ancienne et plus largement pour l’histoire de l’occupation du territoire et de l’exploitation des matières premières.