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Séminaire

Les marges et la ville : entre exclusion et intégration. Cas méditerranéens

Du 20 juin 2011 au 21 juin 2011

Dans la mondialisation actuelle, les villes et leurs territoires, devenues plus que jamais des lieux privilégiés de nouvelles formes d’accumulation du capital (tourisme, patrimoine, éco-urbanisme, etc.) et connaissent des reconfigurations territoriales qui révèlent une exacerbation des processus de marginalisation socio-spatiale. Placer la focale sur les marges urbaines, c’est saisir comment l’adaptation de la ville aux besoins actuels de l’économie néolibérale redessine les lignes de fracture socio-spatiale en reconquérant des territoires marginalisés et en marginalisant de nouveaux. L’objet du séminaire est de rendre compte, autant des processus de marginalisation produits par les représentations et les pratiques des acteurs urbains dominants dans l’aménagement des villes, que des stratégies de résistances des populations. Les représentations stigmatisantes, comme les mots qui les accompagnent, portent à la fois sur un espace urbain et ses habitants, « en leur assignant une identité comme concentrée en un vocable » (Depaule, 2006). Conçus ainsi, la marge urbaine ou la marge socio-spatiale, ou encore le territoire marginalisé, recouvrent simultanément une population et son espace de vie désignés et représentés comme tels par les acteurs dominants. Située là où les représentations de stigmatisation ont construit historiquement son enclavement symbolique, la marge urbaine peut se trouver dans les centres, les péricentres et dans les périphéries. Socialement parlant, contrairement à la pensée hiérarchisante et globalisante de la stigmatisation, les marges urbaines abritent des populations diverses allant des plus pauvres aux couches aux revenus moyens. Autrement dit, les marges urbaines sont des lieux mis à l’écart par les représentations et les pratiques des acteurs dominants ; des lieux qui peuvent correspondre à des situations plus ou moins stabilisées d’intégration ou d’exclusion sociales. Ainsi, la confusion entre marge sociale et marge spatiale, entretenue par les institutions, ne correspond pas, pour autant, à la réalité de ces espaces qui n’abritent pas uniquement des pauvres (cette notion étant elle-même toute relative) et des marginaux déviants et ne sont pas toujours localisés loin des polarités et des services urbains. Il s’agit alors de dépasser le caractère homogénéisant des marges urbaines et de rendre intelligible une réalité diverse et mouvante à inscrire nécessairement dans le contexte qui l’a produite. Les marges urbaines, considérées ici comme révélatrices du fonctionnement sociétal et politique plus général, ont du sens par rapport à la capacité intégratrice et/ou exclusive de la ville. L’examen des processus de marginalisation socio-spatiale s’inscrit dans la perspective des chercheurs, notamment américains , qui interrogent le rapport actuel du néolibéralisme à l’urbain et qui redonnent force au « droit à la ville », au sens de Lefebvre (1972). Cette orientation est également au cœur de nombreuses recherches sur l’urbain en Europe et dans le Sud, comme en témoignent les travaux sur la justice spatiale dirigés par P. Gervais-Lambony et les chercheurs à l’origine de la revue Justice spatiale/Spatial Justice (cf. http://jssj.org/). L’une des idées fortes de ces travaux est que les transformations du milieu urbain reflètent la montée de la logique d’entreprise comme mode hégémonique de gouvernance urbaine et l’émergence de nouveaux acteurs qui restreignent son autonomie politique. Dans ce processus, les inégalités socio-spatiales sont vidées de leur signification politique. Les villes, en prise avec une concurrence intensifiée par la crise et confrontées à des besoins sociaux grandissants, peinent à obtenir des fonds en diminution constante. La production de marges urbaines apparaît ainsi comme un élément intrinsèque, indissociable du processus de croissance économique. Elles sont le produit de la destruction du capital pour ouvrir de nouveaux espaces d’expansion, dans le cadre de l’avancée technologique qui disqualifie les progrès et les réalisations antérieurs : « Le capitalisme s’évertue constamment à créer un paysage social et physique à son image, adéquat à ses besoins à un moment donné, tout cela pour bouleverser, voire détruire, ce paysage à une date ultérieure » (Harvey, 2008, p. 96). Sur ce point, L. Wacquant (2006) souligne combien l’évolution de la banlieue ouvrière depuis les années 1950 est très éclairante : espace de production dans le cadre de l’économie fordienne, elle constitue par la suite une marge urbaine, avec ses friches industrielles et ses terrains vagues. On assiste à des processus aux logiques similaires dans les villes du Sud, comme le montre la recherche FSP sur les reconfigurations territoriales des périphéries des grandes villes au Maghreb. Ces dernières s’apparentent de plus en plus à des aires métropolitaines en formation et constituent des lieux privilégiés des interactions entre dynamiques « nationales » et globalisation. L’avènement récent de l’urbanisme de projet donne lieu à la multiplication de « grands projets », généralement financés par des investisseurs privés étrangers, principalement des Émiratis. Outre que ces projets pèsent dans le bouleversement des règles du jeu urbain, contribuant à perturber les processus décisionnels, ils « annexent » des marges en déplaçant les anciens occupants vers la périphérie plus lointaine. C’est ainsi que se fait la production simultanée de nouvelles marges, en fonction du nouveau contexte socio-économique et des enjeux que représentent les espaces urbains dans l’arrimage international. L’examen des résistances des populations des marges s’appuie sur les travaux qui mettent en évidence leurs compétences, leurs arts de faire et la construction de leur citadinité à l’épreuve de la ségrégation socio-spatiale (Lefebvre, 1974 ; Raymond, 1991 ; De Certeau et al., 1994 et tant d’autres, travaux relayés pour le Sud par ceux de Navez-Bouchanine, 1997 ; Lussault, Signoles, 1996 ; Gervais-Lambony ; 2003, Deboulet, Berry-Chikhaoui, 2000, etc.). Dans la même optique, l’ouvrage L’invention de la ville de M. Agier (1999) apporte un éclairage particulier. L’auteur part d’une critique des fermetures sociales et spatiales, produites par les stigmatisations, pour s’interroger sur les formes de franchissement que les citadins mettent en œuvre face aux ségrégations de la « non-ville » et finalement sur la renaissance possible de l’idée de ville. Il s’oppose ainsi à l’idée dominante des marges comme lieu d’anomie sociale et met en évidence les ressources des populations, leurs liens sociaux, leur inventivité, etc. L’objectif est alors de comprendre, en particulier, comment la « ville-bis » résiste à l’hégémonie de la « non-ville » qui trie, sépare et éloigne les êtres, en mettant en évidence les formes d’interdépendance et de régulations sociales et politiques entre des mondes qui paraissent étanches, a priori. Les populations des marges urbaines sont considérées à l’initiative des interdépendances (économiques, sociales, culturelles…) avec le reste de la ville et contribuent à repolitiser les inégalités socio-spatiales ; des facteurs qui, selon nous, conduisent à entrevoir les correspondances entre le « droit à la ville » et le « vivre ensemble ». Nous proposons d’organiser les contributions du séminaire selon trois axes : 1. Action publique et processus de marginalisation socio-spatiale 2. Les stratégies de résistance des populations des marges socio-spatiales 3. Les interdépendances des territoires marginalisés avec la ville L’appel à communication est destiné essentiellement à nos partenaires méditerranéens qui travaillent, selon des entrées différentes, sur les marges socio-spatiales. L’objectif du séminaire est de déboucher sur une publication collective actualisant les débats scientifiques sur les marges socio-spatiales.