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Joly Virginie

L’économie solidaire en région Centre : la construction d’un espace d’interpellation

par Muriel - 4 décembre 2017

Thèse débutée en 2017

Direction : Jean-Luc Deshayes en co-direction avec Frédéric Chateigner

Cette thèse propose une socio histoire d’une institution de l’économie solidaire en Région Centre depuis le début des années 2000. Comme point de départ plusieurs questions se posent dans cette recherche : Quels sont les acteurs qui ont composé cette dynamique ? Quels ont été les moyens mis en œuvre pour la création d’un espace propre à l’économie solidaire ? En quoi le territoire régional a été pertinent dans la démarche des acteurs de l’économie solidaire ? Quels ont été les événements interactionnels qui ont contribué à la création d’une association régionale dédiée à l’économie solidaire ? Quels ont été les rapports entretenus avec les acteurs de l’économie sociale ?

En Région Centre, la remise en cause des projets « dynamiques solidaires », lancés en 2000 sous le gouvernement Jospin, par le gouvernement Raffarin, en 2002, est à l’origine de la création du CRE-SOL – Centre Réseau économie solidaire. Cette nouvelle association, dont les statuts sont déposés en 2003, est constituée à l’origine de porteurs de projet tels que des structures de financements solidaires, des associations œuvrant dans le domaine du commerce équitable, multimédia et de lutte contre le chômage. Ces personnes et les structures qu’elles représentent étaient alors encore peu visibles des services déconcentrés de l’Etat avant les années 2000 : la majorité, alors, n’est pas représentée dans les instances de l’économie sociale. L’initiative ministérielle et préfectorale, de reprendre les négociations quant au gel des financements, offre donc à ces structures une opportunité économique et symbolique inédite, en même temps qu’elle les oblige à adopter un langage commun. Ces structures sont pour certaines rattachées à des fédérations sectorielles, d’autres ont un réseau essentiellement local. Contrairement aux organisations d’économie sociale qui se retrouvent sur un socle commun lié aux statuts, le réseau régional entend dépasser ce modèle en intégrant en son sein tout type de structures se rapportant aux valeurs portées par le réseau et formalisées dans une charte. De plus, le conseil d’administration du CRE-SOL se compose, dès l’origine, pour moitié de représentants salariés des structures adhérentes et pour moitié de représentants bénévoles. L’arrivée du CRE-SOL bouscule les anciens schémas de la CRES (chambre régionale de l’économie sociale) peu connue alors que la CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives), regroupant les grandes familles associatives telles que les fédérations d’éducation populaire, les fédérations sportives ou encore les fédérations sanitaires et sociales est un acteur incontournable, dans la mise en place d’une politique de création d’emploi, pour les élus régionaux. Progressivement la CRES, composé des familles associatives, des mutuelles et des coopératives, ouvre un 4ème collège « économie solidaire », aux contours non formalisés, au sein de son conseil d’administration. Trois moments clés repérés délimitent l’histoire des rapports entre les acteurs de l’économie sociale et de l’économie solidaire entre 2000 et 2014, année de promulgation de la loi relative à l’économie sociale et solidaire :

- La création d’un 4ème collège « économie solidaire » au sein de la CRES Centre, début des années 2000 et du départ du CRE-SOL quelques années après la création ce collège

- La décision de la CRES d’ajouter le S de solidaire à son sigle,

- La création d’une maison de l’économie sociale et solidaire à Fleury les Aubray, dans le Loiret, regroupant entre autre la CRESS et la CPCA et l’installation du CRE-SOL au sein d’une pépinière à Tours en Indre et Loire.

Dans un souci de lisibilité et de maîtrise, les pouvoirs publics ont reconnu les deux économies, sociale et solidaire, dans une seule et même politique publique, en ajoutant la préposition ET faisant ainsi l’économie avec 2 SS. Des conflits ont surgi sur ce positionnement au sein du réseau régional tout au long de son histoire aboutissant à une reconfiguration et au départ de la totalité des fondateurs. Telles des sœurs ennemies, la CRESS Centre et le CRE-SOL n’ont cessé de poser la question de leur différenciation et de ce qui les réunit. Cette histoire pose la question de la concurrence entre les 2 acteurs. Au fond est-ce une pure concurrence sur la dimension des politiques publiques ou est-ce que les acteurs de l’économie solidaire souhaitent investir une conception différente de faire de l’économie ? Nous souhaitons, dans cette thèse, partir du terrain exposé dans la première partie pour mieux comprendre ces dynamiques à partir des hypothèses suivantes : les acteurs de l’économie solidaire "utilisent" le concept comme un "prolongement du soi" permettant de revendiquer leur différence et de créer l’illusio d’un « nouvel ordre de vie » alors que l’économie sociale tendrait vers un modèle calqué sur le public en reprenant ce que Matthieu HELY a appelé la privatisation du public. La différence dans la pratique peut se révéler à partir de la question salariale. Pour les acteurs de l’économie solidaire, elle devient une problématique annexe et/ou se transforme au profit d’une forte responsabilisation des individus.

Pour y parvenir, il s’agira dans un premier temps de s’interroger sur le CRE-SOL en tant que mouvement social, de déterminer quels sont les acteurs composant cette nébuleuse et de définir sa structure sociale à partir d’une prosopographie historique.

Le premier travail consiste à réaliser une dizaine d’entretiens exploratoires auprès des membres fondateurs du réseau régional d’économie solidaire en partant de leur histoire, de leur trajectoire et de leurs arguments en faveur d’une économie solidaire. A partir de ces premiers entretiens, nous dresserons une liste d’une soixantaine de personnes en vue d’entretiens prévisionnels apportant la consistance à la problématique de départ et nous élaborerons une grille d’entretien pour la cohérence de la recherche. Ces entretiens nous permettront de relever les accords et désaccords entre les acteurs et organisations. A partir de ce matériau, une cartographie sera dressée pour mettre en lumière les relations qui se sont tissées. Il s’agira de comprendre la manière dont les personnes parlent de leur engagement, de leur investissement pour proposer une autre forme d’économie. Nous reconstituerons la dynamique conflictuelle qui s’est progressivement installée entre les acteurs de l’économie sociale et ceux de l’économie solidaire.

Toutefois la compréhension de quête de sens apportée par les acteurs, dans leurs discours, leurs pratiques et leurs représentations doit être accompagnée par une recherche approfondie à partir d’archives provenant de leur propre organisation et des acteurs périphériques tels que les institutions publiques. Outre la question de temporalité, l’espace sera interrogée principalement par le prisme politique à savoir la région comme espace de mobilisation.