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Daraspe Adélaide

Construction identitaire et alimentation au Pays Basque du XVIIIème siècle à nos jours

Thèse commencée en 2009

Direction : Isabelle Bianquis

Comme l’explique Roger Chartier, en s’intéressant aux pratiques quotidiennes et aux transferts culturels, l’histoire culturelle offre une nouvelle approche de l’histoire des institutions, des cadres et des objets de la culture [1]. C’est ce qu’il nomme le passage « d’une histoire sociale de la culture à une histoire culturelle du social [2] ». Ce champ, qui s’impose dans les années 1980, permet d’étudier dans un même temps les représentations [3] et les « arts de faire » qui sont des vecteurs de la construction identitaire. L’étude des pratiques et des représentations qu’elle propose semble particulièrement adaptée à l’étude de réalité tel que les identités. Des réalités que l’on avait pris précédemment comme allant de soi mais qui, dans le contexte de la mondialisation, semblent maintenant appeler des interprétations mettant l’accent sur leur caractère malléable. Les identités ne sont plus perçus dans une perspective essentialiste. Elles sont négociées dans des pratiques dont l’alimentaire fait partie. En 1990, paraît ainsi l’Homnivore de Claude Fischler. Selon lui, « l’alimentation est le processus par lequel un groupe humain marque son identité et l’altérité de ceux dont cette identité le distingue ». On ne saurait mieux exprimer le rapport de l’alimentaire et de l’identitaire. L’histoire de l’alimentation se caractérise par une quantité innombrable d’échanges au sein d’un même groupe, entre les générations, entre différents peuples. Ainsi, les transferts de savoir-faire, la migration des aliments et les nouveautés engendrées par ceux-ci dans l’alimentation humaine ont suscité l’apparition de nombreuses transformations et innovations. Certains aliments prisés par certains groupes sont peu appréciés, voire détestés par d’autres. C’est ce que Michel de Certeau nomme la « notion de mangeable ». Les repas des différentes cultures se fondent sur des coutumes et des croyances. C’est pour cette raison que l’alimentation se trouve au cœur du processus de formation des identités collectives.

Dans le cadre de notre mémoire de maîtrise qui traitait de la performance de l’identité des Basques de la diaspora au Québec à l’époque contemporaine, nous avons déjà exploré les pratiques quotidiennes des Basques qui avaient quitté leur terre d’origine. Cette recherche nous a permis de comprendre que c’est véritablement dans l’intimité des intérieurs domestiques, par des petits gestes quotidiens, par des arts de faire, des tactiques, des performances, des usages et par des réemplois, que ces immigrants s’inventent une culture et une identité. Ces ruses du quotidien d’enracinement dans un contexte bien particulier, celui de l’immigration. Or négocier son identité dans un contexte d’immigration, c’est avant tout composer avec la culture du pays hôte, ce qui implique des échanges, des métissages, des transferts culturels.

Les pratiques et les représentations alimentaires d’un groupe sont partie intégrante de son identité. Au Pays Basque, la cuisine revêt un caractère bien particulier. Situé entre l’océan Atlantique et les montagnes pyrénéennes, la cuisine et la convivialité qui y sont rattachées sont partie intégrante de la culture et de l’identité du peuple basque. Intrinsèquement liée aux croyances mythologiques anciennes, la cuisine est la pièce de la maison en lien étroit et permanent avec le monde souterrain, demeure des divinités.

Actuellement très en vogue, la cuisine basque, comme toute gastronomie, n’a cessé de s’enrichir des apports d’autres cultures et de l’apparition d’aliments nouveaux. Tomate, piments ou chocolat sont aujourd’hui considérés comme des ingrédients faisant intégralement partie de la cuisine basque. Or, à partir de quel moment ces aliments ont-ils changé de statut, pour passer d’aliment consommé à celui d’aliment qui soit considéré comme un des vecteurs de la culture culinaire


[1] Philippe Poirier, « Préface. L’histoire culturelle en France. Retour sur trois itinéraires : Alain Corbin, Roger Chartier et Jean-François Sirinelli », Cahiers d’Histoire, volume XXVI, n°2 , Hiver 2007

[2] Roger Chartier, « Le monde comme représentation », Annales E.S.C., 6 (novembre- décembre 1989), p. 1505-1520.

[3] Pascal Ory nomme l’histoire culturelle « l’histoire sociale des représentations », dans Pascal Ory, L’histoire culturelle, PUF, 2007.