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Maîtrise foncière publique en zone littorale : les politiques de régulation foncière sur la côte basque française
Les espaces littoraux représentent des territoires privilégiés pour l’étude des dynamiques foncières, puisque sur des espaces limités et contraints se concentrent une multitude d’activités qui entrent en compétition pour l’usage du foncier. La côte basque française ne fait pas exception, et peut être considérée comme un archétype de l’espace littoral touristique, où les tensions sont exacerbées par une topographie marquée, une érosion côtière importante, et une identité locale fortement marquée et spatialisée.
Cette thèse vise à rendre intelligible l’organisation des acteurs publics en charge de développer les politiques foncières locales, en analysant ce système d’action foncier public au fil de la décentralisation, depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui. En tant que système d’action au sens de Le Moigne (Le Moigne 1977), cet ensemble structuré d’acteurs publics est ouvert sur son environnement, constitué d’acteurs ne disposant pas des outils fonciers particuliers dévolus à la puissance publique. Les outils étudiés sont la planification territoriale à différentes échelles et les outils d’action directe sur les marchés notamment (préemption, expropriation).
Plusieurs phases de travail ont permis de rendre intelligible la structuration et le fonctionnement depuis les années 70 jusqu’à aujourd’hui de ce système d’action. Une première étude de documents a permis de le découvrir de l’extérieur, et de la manière dont il peut se présenter au chercheur par le biais des supports qu’il produit (définition des différents rôles, des différentes relations). Ce système « sur papier » a ensuite été confronté au système tel qu’il existe dans la réalité, approché par le biais d’une observation en interne et un ensemble d’entretiens auprès d’acteurs divers (élus, services techniques de collectivités à différentes échelles, acteurs de la société civile, opérateurs immobiliers publics, privés, semi-publics…). Le périmètre exploré a été celui des deux Schémas de Cohérence Territoriaux du littoral basque, autour des agglomérations de Bayonne et St Jean de Luz.
L’entrée par les politiques foncières, et le parti pris de les analyser par le prisme de l’approche systémique, nous ont permis de prendre en compte l’environnement de l’action publique et dans notre cas, de pouvoir trouver dans le foncier une clé d’entrée importante pour la mobilisation de la société civile au pays basque. L’identité basque est traditionnellement fortement liée au territoire, et en particulier à la terre : cela peut expliquer que les politiques foncières sont un point sensible et mobilisateur. La capacité de la société civile basque à construire des outils innovants pour défendre ses objectifs (la « construction du pays »), et à s’organiser collectivement s’est observée dans ce champ des politiques foncières. C’est un projet alternatif de territoire, construit par la société civile basque, que cherchent à repolitiser aujourd’hui les structures politiques classiques, et c’est par le biais des mobilisations citoyennes qu’elles cherchent à se renouveler. Ce faisant, elles pourraient permettre au système alternatif de dépasser les limites d’intégration des minorités actives aux systèmes dominants.
Nous pensons, avec notre exemple développé sur les politiques foncières au Pays basque, avoir approché un exemple de « frontière du politique » : le système alternatif construit au Pays basque appartient « à la frange, aux marges » de la politique institutionnelle, « aux situations, activités, objets ou acteurs sociaux qui sont l’objet de discussions quant à leur caractère politique ou non » (Arnaud, Guionnet, 2005). Il peut ainsi être appréhendé comme un « processus de politisation/dépolitisation « constituant une « tentative d’influence sur la détermination des politiques publiques » ; il peut également donner à voir un « univers politique » caractérisé « par son ouverture, par ses contours flous et multiples, par ses redéfinitions permanentes et multiples », construit « indissociablement par des passerelles réunissant univers sociaux et politiques ». En ce sens, le système d’action foncier étudié au Pays basque offre l’exemple d’un « ordre institutionnel » (Jullien, Smith, 2008) instable et évolutif.
Mots clés : Côte basque, régulation foncière, gouvernance locale, système d’action, institutionnalisation