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LAT
Programme de recherches sur la ville de Tours
Tours a été l’une des premières villes de France à voir le développement d’un programme d’archéologie urbaine dans les années 70, sous la direction d’Henri Galinié, et avec le soutien permanent de la Ville de Tours depuis 1973. Au fil des années, les intervenants institutionnels chargés de l’archéologie préventive se sont multipliés, le Laboratoire d’archéologie urbaine de Tours (LAUT) de l’Association pour le développement des études d’archéologie urbaine à Tours (ADEAUT), puis l’AFAN à partir du début des années 1990 devenue Inrap en 2001 et depuis quelques années le Service Archéologique du département d’Indre-et-Loire (SADIL). Le LAT, créé comme UMR en 1992 avant d’intégrer CITERES en 2004, a repris l’action du LAUT à travers ce programme de recherche sur l’histoire de la ville. Le LAT a conduit une dernière fouille programmée au cœur de l’espace urbanisé ancien de 2000 à 2003 sur le site du square Prosper Mérimée, dans l’emprise de l’ancien monastère Saint-Julien, avant de se consacrer depuis 2004 aux recherches sur le monastère suburbain de Marmoutier.
Une partie de ces travaux archéologiques a été publiée dans la collection Recherches sur Tours (fouilles, études de mobilier, analyses de sources écrites, etc.).
Une exposition accompagnée d’un ouvrage de synthèse, Tours antique et médiéval, a fait le point en 2007 sur les grandes étapes de la fabrique urbaine, de la protohistoire récente à la fin du Moyen Âge, des résultats accessibles sous une forme résumée sur le site de l’Inrap (Atlas archéologique de Tours).
L’implication de la ville de Tours dans ce programme de recherche est à l’origine de son choix par le Ministère de la Culture une première fois en 1980 pour le colloque international d’archéologie urbaine qui fut un acte fondateur de la discipline, puis une seconde en 1984 pour y créer le Centre national d’archéologie urbaine (CNAU) définitivement fermé en 2016. Parmi ses nombreux travaux, le Cnau a notamment publié la collection des Documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France sur le modèle de la publication des Archives du sol à Tours par H. Galinié et B. Randoin en 1979, elle-même fondée sur l’ouvrage The future of London Past de M.Biddle, D. Hudson et C. Heighway paru en 1973.
Le programme d’archéologie urbaine du LAT sur la ville de Tours est fondé sur une approche globale, résolument interdisciplinaire, mettant en œuvre toutes les sources (matérielles, écrites, iconographiques, environnementales) et les ressources méthodologiques au profit de l’étude historique de la fabrique de l’espace urbain dans la longue durée.
Tours correspond au modèle urbain le plus répandu parmi les actuels chefs-lieux de département en France : une ville fondée au début du 1er s. ap. J.-C., sur la rive gauche de la Loire, puis dotée d’un rempart de faible superficie au début du 4e s. Le développement du culte de saint Martin, deuxième évêque de Tours (mort en 397), engendra le développement d’un autre pôle urbain à l’ouest donnant naissance à une ville double ; l’espace urbanisé ne fut enclos par une même enceinte qu’au milieu du 14e s. et la dernière enceinte fut édifiée dans le courant du 17e s.
Plusieurs thèses préparées au LAT ont contribué à une meilleure connaissance des processus de la fabrique urbaine de Tours :
L’essentiel de l’espace urbanisé ancien de Tours étant protégé, les constructions nouvelles interviennent à sa périphérie immédiate ou plus éloignée, donnant lieu à des observations archéologiques de plus en plus nombreuses qui révèlent l’environnement de la ville depuis l’Antiquité ou l’occupation plus ancienne sur les plateaux nord et sud surplombant la vallée de la Loire et la vallée du Cher. L’activité archéologique ayant été particulièrement forte au nord, le projet collectif de recherche Plateau de Tours Nord coordonné par Dorothée Lusson (Inrap/LAT) et Jean-Marie Laruaz (SADIL) a été lancé en 2014, qui se concentre sur l’occupation du sol entre Choisille et Bédoire du 5e s. av. n. è. au 1er s. de n. è.
Parmi les établissements suburbains majeurs qui entretenaient de fortes relations avec la ville, le monastère de Marmoutier, situé sur la rive droite de la Loire, fait l’objet depuis 2005 d’un programme de recherche porté par E. Lorans et Th. Creissen. Le prieuré de Saint-Cosme, lui aussi en bord de Loire mais sur la rive sud, a également fait l’objet d’investigations archéologiques importantes par le SADIL sous la direction de Bruno Dufaÿ.
Dans l’espace urbanisé ancien, le dépôt anthropique varie de 3 à 10 m d’épaisseur. Il est plus ou moins stratifié et plus ou moins bien conservé. Le croisement des données archéologiques, géotechniques et géologiques a permis la modélisation des niveaux naturels et celle de l’épaisseur du dépôt anthropique d’abord à l’échelle de l’espace urbanisé ancien dans le cadre de la thèse d’Amélie Laurent, puis étendu à l’agglomération à l’occasion de la recherche post-doctorale d’Eymeric Morin. Ces travaux sont particulièrement utiles à deux axes du programme de recherche sur Tours et sa périphérie, le premier sur l’évaluation du potentiel archéologique, le second sur les relations sociétés/milieu dans la plaine alluviale de la Loire.
Le programme d’archéologie urbaine à Tours est à l’origine d’une grande partie de la recherche méthodologique du LAT qui donne lieu au développement d’outils et à la production de modèles. Les bases de données thématiques sont mises en ligne ou en passe de l’être. La numérisation des archives de fouilles de Tours (réalisée avec le soutien de la ville de Tours, de la Région Centre-Val de Loire et du consortium MASA) vient compléter la mise à disposition des données tout en alimentant les travaux sur l’interopérabilité du consortium Mémoires des archéologues et des sites archéologiques de la TGIR Huma-Num (MASA).
Ces travaux vont de l’enregistrement des données pendant la fouille à la restitution 3D, des corpus de données à la modélisation de l’espace urbain.
ReViSMartin – Renaissance virtuelle de la collégiale Saint-Martin de Tours (dir. David Fiala, CESR, et Elisabeth Lorans) – Ce projet a pour objectif la réalisation d’une maquette 3D de la collégiale Saint-Martin avec intégration d’une bande son spatialisée donnant à entendre la musique polyphonique de Jean Ockeghem, principal musicien des rois de France et plus haut dignitaire de la collégiale à la fin du XVe siècle. La contribution du LAT porte sur la reconstitution architecturale de la collégiale, à l’intérieur comme à l’extérieur, conçue par Emeline Marot (UMR CITERES-LAT) à partir d’une collecte documentaire très large (iconographie ancienne, rapports de fouille, bibliographie).
RITA - Recherche en images : Tours archéologique (dir. Emilie Trébuchet et Nicolas Fouillet, Inrap/UMR 7324 CITERES-LAT) - Ce projet a pour objectif d’explorer les archives photographiques dans le cadre de la recherche archéologique à Tours. Il a vocation à rassembler des images dispersées, parfois inédites, susceptibles d’illustrer, de renseigner ou de renouveler les connaissances archéologiques de la ville. Il réunit de nombreux partenaires institutionnels au niveau local, régional et national.
ICERAMM - Information sur la céramique médiévale et moderne (coord. Ph. Husi) - Ce programme de recherche collectif a pour objectif l’élaboration d’outils typologiques régionaux et de notices présentant les principaux assemblages céramiques à l’échelle de l’Europe francophone. Il se traduit par un site internet, qui se présente comme une base de données spatialisée. La céramique médiévale et moderne présente sur le territoire actuel de la commune de Tours est étudiée dans ce cadre et constitue un solide référentiel.
ArSol – Archives du Sol (dir. Ph. Husi et X. Rodier) - Le système ArSol, développé par le LAT, est conçu pour la gestion et le traitement des données stratigraphiques et mobilières dans l’optique d’une analyse des sites fouillés et leur spatialisation. Il a été élaboré par E. Zadora-Rio en 1990 pour la fouille du centre paroissial médiéval de Rigny (Indre-et-Loire), puis adapté pour les fouilles de Tours avant d’être diffusé plus largement. ArSol correspond à l’informatisation du système d’enregistrement stratigraphique manuel utilisé depuis 1969 pour les fouilles de Tours (voir : Les clefs du sol). Aujourd’hui, l’application client-serveur hébergée à l’Université de Tours est utilisable sous plusieurs formes :
La poursuite des travaux sur les archives de fouilles, dans le cadre de projets soutenus par la Région Centre-Val de Loire et la TGIR Huma-Num, a permis d’engager la numérisation des volumes d’enregistrement papier afin d’associer la documentation d’origine à la base de données. ArSol fait actuellement l’objet de développements pour rendre la base interopérable avec d’autres systèmes partageant les principes minimums de l’enregistrement stratigraphique même si leur structure est différente. Enfin, le développement d’une interface pour tablette numérique de terrain est en cours de test pour aboutir à la dématérialisation complète de l’enregistrement dès la fouille.
Totopi - Topographie de Tours pré-industrielle (dir. X. Rodier) - La mise en place du système d’information géographique ToToPI a débuté en 1996. Il ne s’agissait pas de monter un système de gestion du type « carte archéologique urbaine », mais d’utiliser un SIG comme outil de recherche, dans la lignée des Archives du sol à Tours, pour la spatialisation des données archéologiques afin de répondre à des questions d’analyse spatiale. Le système peut être utilisé par les chercheurs travaillant sur la ville de Tours antique, médiévale et moderne. Il comprend l’ensemble des informations de la topographie historique et permet de les interroger thématiquement, chronologiquement et spatialement, selon les sujets de recherche portant sur la ville de Tours.
Le référentiel géographique de ToToPI est constitué des cadastres actuels et du 19e s. ainsi que de l’emprise des opérations archéologiques. Les données sont intégrées dans le système d’information selon quatre axes contribuant à l’étude de la fabrique urbaine :
L’élaboration de ToToPI est associée à une réflexion plus générale sur l’apport de SIG pour l’étude archéologique des transformations de l’espace urbain. Ces travaux ont donné lieu à la publication du modèle OH_FET (Objet historique, Fonction, Espace, Temps) en géomatique (voir l’article de Cybergéo).
Chrono-chorématique urbaine (dir. X. Rodier) - La chorématique est une méthode de modélisation des structures élémentaires de l’espace géographique inventée par le géographe Roger Brunet, en s’inspirant de la linguistique structuraliste. Elle permet la description de l’espace en le décomposant en éléments structurants, les chorèmes. La chrono-chorématique s’attache à modéliser l’espace en dégageant ses structures élémentaires dans la longue durée. Dans le cadre d’un l’atelier initié par le Cnau, la démarche a été appliquée à des villes françaises dont Tours qui constitue une figure emblématique (voir l’article de Mappemonde). Les logiques socio-spatiales qui se combinent dans la ville à une époque donnée ont ainsi été modélisées afin de proposer une synthèse en image des connaissances en histoire urbaine. La démarche chrono-chorématique, en ajoutant la dimension temporelle, a pour double ambition de rendre compte de l’histoire spécifique de telle ou telle ville et d’offrir la possibilité de comparer les villes entre elles selon des critères typologiques et chronologiques.
Dynamique des fonctions intra-urbaines dans la longue durée. Application à la ville de Tours - Lucie Nahassia (dir. Lena Sanders Géographie Cité et Xavier Rodier).
Cette thèse adopte une démarche qui place la ville dans le paradigme des systèmes complexes pour s’intéresser aux processus de changements qui président aux dynamiques de l’espace urbain dans le temps long. Elle propose une nouvelle approche de l’espace urbanisé ancien en interrogeant les interactions spatio-temporelles entre les fonctions (permanence, attraction, répulsion). L’objectif est de proposer un modèle des dynamiques fonctionnelles intra-urbaines et de le mettre en œuvre à l’aide d’un modèle de simulation pour observer les processus entre la structure globale et les interactions locales.