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GDRI MARGMED

Marges et villes : entre exclusion et intégration. Cas méditerranéens

Contrat débuté en 1er janvier 2013, achevé en 2017
(coord. Nora Semmoud)

Au cours de ces dernières décennies, les différentes formes d’inégalités sociales (revenus, emploi, éducation, santé, environnement, accès aux services, au logement, etc.) se sont davantage inscrites et cristallisées dans l’espace, devenu l’une de leurs expressions la plus manifeste. Robert Castel en 1995 avait déjà souligné le déplacement de la question sociale vers la question urbaine. Le territoire et le lieu de résidence en particulier révèlent une exacerbation et un renouvellement des formes de ségrégations socio-spatiales, analysées par des chercheurs sur le Nord, comme des tendances à la « sécession urbaine » (Donzelot, Jaillet 2001) et, sur le Sud, comme relevant de fragmentation urbaine (Navez-Bouchanine, 2006). Dans tous les cas, les inégalités socio-spatiales actuelles suscitent l’inquiétude quant à une « guerre sociale de faible intensité » (Davis, 2003) et sont à l’origine de débats sur la dégradation de la cohésion sociale et sur comment « vivre ensemble » et « faire société ».

La mondialisation actuelle, en plaçant les villes et leurs territoires au cœur des compétitions économiques internationales et de la division internationale du travail, en a fait les lieux par excellence des nouvelles formes d’échanges et d’accumulation du capital (tourisme, patrimoine, éco-urbanisme, etc.). Elles connaissent alors des reconfigurations territoriales témoignant d’une aggravation des processus de marginalisation socio-spatiale qui accentuent le caractère de marge des espaces résidentiels ou le développent sur d’autres. Dans cette recherche, l’objectif est d’analyser les rapports subtils entre, les processus de marginalisation portés par les pratiques et les représentations des acteurs urbains dominants de l’aménagement des villes, leurs politiques de traitement des marges urbaines et les stratégies d’intégration urbaine et de résistances des populations. Placer la focale sur les marges urbaines, c’est saisir comment l’adaptation de la ville aux besoins actuels de l’économie néolibérale redessine les lignes de fracture socio-spatiale en reconquérant des territoires marginalisés et en marginalisant de nouveaux et, dans tous les cas, en mettant à mal le droit à la ville de nombreuses populations. Les représentations de stigmatisation, comme les mots qui les accompagnent, portent simultanément sur un espace urbain et ses habitants, « en leur assignant une identité comme concentrée en un vocable » (Depaule, 2006). Conçus ainsi, la marge urbaine ou la marge socio-spatiale, ou encore le territoire marginalisé, recouvrent une population et son espace de vie désignés et représentés comme tels par les acteurs dominants. Située là où les pratiques et les représentations de stigmatisation ont construit historiquement son enclavement symbolique, la marge urbaine peut se trouver dans les centres, les péricentres et dans les périphéries. Socialement parlant, contrairement à la pensée hiérarchisante et globalisante de la stigmatisation, les marges urbaines abritent des populations diverses allant des plus pauvres aux couches sociales aux revenus moyens. Autrement dit, les marges urbaines sont des espaces mis à l’écart par les représentations et les pratiques des acteurs dominants ; des espaces qui peuvent correspondre à des situations plus ou moins stabilisées d’intégration ou d’exclusion sociales. Les marges urbaines, considérées ici comme révélatrices du fonctionnement sociétal et politique plus général, ont du sens par rapport à la capacité intégratrice et/ou exclusive de la ville. L’actualité donne une teneur toute particulière au programme MARGMED qui est une opportunité de replacer les inégalités au centre des débats sur la pauvreté et sur l’exclusion et de redonner à la question, la dimension politique dont elle a été vidée depuis les années 1980. Les mouvements sociaux européens depuis la fin 2010 et les soulèvements populaires dans les pays arabes, outre qu’ils portent la revendication d’une démocratisation (plus poussée pour les premiers et nouvelle pour les seconds), sont sans doute une réaction à la brutalité des effets sociaux de la crise actuelle et particulièrement, au creusement des inégalités, à leur extension à d’autres couches sociales et à leur renouvellement.

Le projet porte sur l’examen des marges urbaines dans la dialectique de leur production objective par les structures et mécanismes socio-économiques inégalitaires de la société, et de leur construction sociale. Centrée sur les processus de marginalisation produits par les pratiques et les représentations des acteurs urbains dominants (acteurs publics et privés qui pèsent sur l’aménagement des villes) et de groupes sociaux aux revenus élevés, cette démarche met en cause les approches normatives des marges urbaines qui aboutissent à une territorialisation instrumentalisée de la pauvreté (Destremau et alii, 2004).