Accueil du site > Actualités > Séminaire « CITERES et la Lanterne. Stratégies, contraintes, réflexivité et positionnements scientifiques d’un laboratoire de recherche (2004-2019) »
Séminaire CITERES
Dans le cadre du séminaire CITERES 2018-2019
6 juin 2019Jeudi 6 juin 2019, 14h00, MSH Val de Loire, salle polyvalente (RDC)
L’adoption des méthodologies pour la réalisation d’une étude peut découler de multiples facteurs. Dans tous les cas, ce choix devrait comporter une certaine réflexivité sur les instruments par lesquels l’enquête est menée, réflexivité qui pourrait amener le/la chercheur.e à endosser son propre background culturel et à l’associer à l’humus profond des sociétés qu’il/elle interroge. Pourtant, la tension potentiellement aléatoire de la recherche pose, presque banalement, le/la chercheur.e face à un dilemme épistémologique qui retombe sur le degré de fiabilité de ses recherches et sur son positionnement dans le cadre académique. Sa construction de la vérité scientifique se heurte à l’effectivité des résultats ainsi qu’aux choix opérés en amont de la recherche, choix qui cachent, le plus souvent de manière intrinsèque, une véritable option éthique. Comment la recherche a-t-elle été menée ? Quelles contraintes ont marqué sa réalisation ? Quels rapports entre les choix opérés et les lignes stratégiques imposées par les financeurs ? L’activité des chercheurs, cette fabrique scientifique d’une vérité, interroge ainsi la production du savoir en tant que résultat de la recherche, voire met en question la définition de la « scientificité du résultat », car comment faire abstraction de la subjectivité en tant que catalyseur de l’étude ? Ou, au contraire, faut-il supposer qu’elle soit enterrée au nom d’un résultat de recherche présumé « neutre » - et donc plus véridique que d’autres ? Cette question renvoie, à son tour, à une problématique majeure : l’interprétation des données. Car interpréter les données – au moins dans les SHS - signifie les expliquer, les rendre intelligibles et donc faire appel aux compétences théoriques et de terrain que femmes et hommes acquièrent non seulement grâce à leurs études mais à la suite de leurs propres expériences personnelles et de vie de chercheur. Interpréter veut dire s’engager et, encore une fois, mettre en jeu sa propre crédibilité. Ainsi, rendre évidentes les constructions sociales, historiques et politiques que les « mondes » interrogés semblent receler, relève inévitablement de l’acceptation du « paradigme de la subjectivité ». Toutefois, il ne s’agit plus uniquement d’une subjectivité consciemment instrumentalisée, mais plutôt de la mise en forme d’un intime non-dit, qui apparaît (tout en se cachant) dès le choix des objets de recherche. Car, qu’est-ce que de plus subjectif que le caractère de « singularité » qui nous est propre et qu’on attribue (et qu’on est appelé à attribuer) à notre recherche pour qu’elle soit acceptée, rendue légitime et considérée originale et novatrice ?
C’est ce qu’on peut définir comme la raison d’être d’une recherche en SHS dont l’ontologie est non révélée puisque, escomptée. Elle n’a droit d’exister que dans la théorisation de la méthodologie, au sein d’une séance, toute personnelle, de « psychanalyse » de la recherche / de l’objet de recherche / de la posture et du rôle du chercheur dans la société. Et pourtant, comme chacun d’entre nous le sait, cette subjectivité réagit à la violence du procès d’objectivisation dont la doxa académique fait un fondement de la légitimité du chercheur - comme si l’interrogation de phénomènes sociaux, contemporains ou dans la profondeur historique, pouvait faire abstraction de l’empathie intellectuelle qu’on ressent au moment d’élire le terrain et de cadrer les limites de l’objet d’enquête.
Ces quelques considérations qui se réfèrent aux parcours individuels peuvent être transposées à la collectivité de chercheur.es intégré.es dans un laboratoire et, de manière transitive, au même laboratoire, conçu comme un corps vivant plus que comme un simple instrument/moyen qui facilite la recherche. De ce point de vue, essayer de faire endosser au laboratoire son propre background culturel et ainsi porter le questionnement sur les processus qui ont déterminé sa construction – de même qu’on le ferait pour un chercheur dans l’ego-histoire d’un HDR -, sur la singularité de son approche, sur les choix politiques et sur les stratégies adoptées afin de façonner ses positionnements scientifiques, est un défi tout autre qu’anodin. Cela revêt encore plus d’importance si l’on pense que CITERES est un lieu de cosmopolitisme disciplinaire avec des variables apparemment dominantes ainsi qu’elles figurent dans le dossier d’évaluation HCERES 2016-2017, assumées comme descriptif des activités majeures du laboratoire par lesquelles on peut apprécier son apport aux différents champs de la recherche :
CITERES et la recherche urbaine :
Modes d’habiter : mobilités, trajectoires, relations à la ville
Divisions sociales de l’espace : inégalités socio-spatiales, ségrégation, marginalisation
Mobilisations urbaines : conflit, participation, engagement
Actions publiques urbaines : aménagement, régulation, planification
Temps long de la fabrique de la ville : transformations de l’espace urbain, trajectoires des villes, systèmes de villes
CITERES et la recherche environnementale :
Paysages et biodiversité́ : usages, ingénierie environnementale et politiques publiques - Risques : identification, représentation et actions publiques
Fleuve, bassin-versant : gestion, politiques publiques et restauration
Changement climatique : effets, politiques et adaptations
Relations sociétés-milieux : temps long et fabrique des paysages
CITERES et la recherche sur le patrimoine :
Patrimoine archéologique : identification, analyse, valorisation
Patrimonialisation des paysages et des milieux : gestion, images et mise en tourisme
Patrimonialisation et activités mémorielles : représentations, actions collectives et actions publiques - Protection du patrimoine urbain : régulations, controverses, patrimoines du XX° siècle
CITERES et la recherche sur les rapports au(x) territoire(s)
Territoire, territorialité́, territorialisation : Relation à l’espace des individus, des collectifs et des institutions
Temps long de la fabrique des territoires : occupation du sol, dynamiques de peuplement, configurations territoriales
CITERES et les recherches sur les effets des recompositions sociales
Transformations des pratiques sociales et des modes de vie
Pratiques sociales des sociétés du passé : production, échanges, consommation, aires culturelles
Enjeux et déroulement du séminaire
Le but du séminaire est de mettre au jour la « personnalité » de CITERES, voire sa relation à la subjectivité de la recherche, à son background, aux modalités de construction de ses positionnements scientifiques, aux défis qu’il a surmontés dans le passé, depuis sa constitution, et qu’il est appelé à surmonter dans le futur. Il ne s’agit ni de reproduire l’assemblée générale annuelle ni, non plus, de répéter les réunions d’évaluation de l’HCERES. Il s’agit de faire un effort de réflexivité collective afin d’historiciser les origines du laboratoire - CITERES a 15 ans ! –, de prendre conscience des choix, des contraintes/obstacles et des réussites qui ont caractérisé son parcours et qui ont déterminé son rôle au sein de la communauté scientifique nationale et internationale. Par le biais d’un débat collectif entre les membres du laboratoire, où la parole est donc libre, il s’agit d’essayer de saisir les constantes de la vie du laboratoire, les ruptures et les innovations apportées au cours de sa vie aux méthodes d’enquête dans les différentes disciplines qui y sont représentées, d’éclaircir les dynamiques de recherche et les stratégies scientifiques tout en prenant en considération les contraintes et les marges d’une gestion politique du laboratoire qui n’a pu se faire / ne peut pas se faire sans tenir compte des directives de ses tutelles. Dans un certain sens, il faudra considérer CITERES comme un objet de recherche, l’interroger dans sa morphologie, dans sa subjectivité d’acteur de la recherche afin de déconstruire son identité. On pourra ainsi mieux apprécier ses articulations internes - par exemple, les articulations équipes/laboratoire ou, sur un plan plus général, ses articulations avec le monde scientifique français et européen -, tout en ôtant son histoire de ses moments/lieux mythiques pour mieux déchiffrer sa réalité présente.
Afin de faciliter les échanges et d’assurer une certaine dynamique dans le débat, le séminaire sera organisé autour d’une table ronde composée de 6/8 membres du laboratoire, avec des interventions de 10 à 15 minutes chacune, suivies d’un débat. A cet effet, la présence des collègues qui ont assuré la direction du laboratoire depuis sa constitution, ainsi que de la directrice actuelle est souhaitable. La participation de représentants des composantes du laboratoires intégrés à des moments différents apporterait un plus à ces débats. Cela permettra de comprendre d’un côté, les différentes perceptions du laboratoire selon l’équipe d’appartenance – et, de définir aussi comment se construit l’identité des équipes - et, de l’autre, les raisons scientifiques qui ont poussé les membres les plus récents à le rejoindre. Il serait enfin important que l’une des places de la table ronde soit réservée à un doctorant en fin de parcours, de manière à dessiner comment cette composante fondamentale joue dans la structuration et dans la politique scientifique du laboratoire.
CONTACTS :
Francesco Correale : francesco.correale@univ-tours.fr
Gülçin Erdi : gulcin.lelandais@univ-tours.fr