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COST
Bâtiment, TIC et innovation organisationnelle
Résumé
Le secteur du Bâtiment est engagé dans une profonde mutation technique et organisationnelle pour répondre aux défis contemporains – préoccupations environnementales et réglementations contraignantes, nécessaire maîtrise des coûts et augmentation du niveau d’exigence, diversification des matériaux et évolution des techniques. La gestion des phases de conception et de réalisation des projets se révèle de plus en plus complexe alors que les modes de coordination évoluent peu au regard des enjeux économiques, techniques et réglementaires. Les modalités de coopération des professions impliquées (de l’architecte aux entreprises de bâtiment) s’imposent donc comme un enjeu majeur au sein duquel les TIC sont amenées à jouer un rôle prépondérant. Le projet propose, à partir d’enquêtes de terrain et d’observations de chantiers, d’apporter des éclairages sur le fonctionnement de la filière du bâtiment, sur les conditions de collaboration entre les acteurs, les métiers et les compétences impliqués sur un chantier et, ainsi, d’identifier les conditions favorables à la mise en œuvre de solutions TIC de type Maquette Numérique.
La recherche BATIR s’inscrit dans le prolongement de travaux menés par des chercheurs de SOCARES sur les reconfigurations professionnelles et les logiques territoriales. Plus précisément elle porte sur les conditions d’appropriation des TIC par les différents acteurs qui sont amenés à coopérer dans le cadre de projets de construction ou de réhabilitation de bâtiments ou d’îlots. Elle vise la compréhension des processus d’ajustement et de recomposition des identités professionnelles, à travers l’analyse des dynamiques d’innovation technique et organisationnelle.
Par ailleurs, la recherche BATIR s’inscrit dans la thématique environnementale, transversale à l’UMR Citeres.
Descriptif
Les enjeux actuels dans le secteur du bâtiment induisent de nouvelles logiques d’action et des configurations d’acteurs de plus en plus complexes, tant dans la phase de conception du projet que dans la phase de réalisation de ce dernier. La redéfinition des modalités de travail et de coopération des professions de la maîtrise d’œuvre s’impose comme un enjeu majeur, au sein duquel les TIC sont amenées à jouer un rôle de plus en plus prépondérant. Toutes les analyses convergent sur ce point (Biau & Tapie, 2009 ; Prost, Henrot & Ben Mahmoud, 2003). Au-delà de répondre à un enjeu de coordination, qui constitue déjà en soi un programme ambitieux pour ce qui concerne les acteurs du bâtiment, il s’agit bien de concilier et de réguler des logiques qui se révèlent parfois concurrentes. Les valeurs professionnelles et les imaginaires techniques, plus exactement leur multiplicité, et paradoxalement leur vitalité et leur efficacité, constituent autant d’obstacles à la construction d’une logique pluridisciplinaire. Pourtant, l’enjeu est de taille : atteindre une productivité et une efficience des processus de construction et de réhabilitation, par la coordination et l’informatisation des chantiers pour favoriser l’ingénierie concourante.
S’il existe aujourd’hui diverses formes de coopération plus ou moins efficaces, force est de constater que, dans le contexte français, on observe plutôt des organisations hiérarchisées potentiellement conflictuelles, la plupart du temps vécues sur le mode de la compétition entre acteurs. Ce contexte est, par ailleurs, caractérisé par un éclatement et une multiplication des acteurs (dans une logique positive de spécialisation et une logique négative de distinction), une mutation des savoirs dans la phase amont, des contraintes fortes sur les savoir-faire professionnels et les cultures de métiers traditionnels, l’émergence de nouvelles compétences qui cherchent à imposer leur légitimité…
Le constat d’une difficulté à atteindre une intégration fonctionnelle des compétences s’impose aux observateurs. Dans un secteur en pleine recomposition, les acteurs semblent, en effet, avoir des difficultés à s’approprier collectivement les nouvelles générations d’outils de conception et de production (compatibles BIM-IFC). C’est sans doute le verrou le plus complexe à lever parce qu’il tient à la fois à l’évolution des métiers, à la défense de prérogatives professionnelles et à des enjeux parfois très complexes à identifier et à isoler.
Objectifs
Le projet propose d’explorer les enjeux relatifs d’une part, à la question de la rationalisation des modalités de coopération et, d’autre part, à la question des modalités d’appropriation des TIC par les entreprises, ceci selon deux axes. Un axe « technique » qui s’intéressera prioritairement au potentiel de la maquette numérique, c’est-à-dire à l’ensemble des fonctionnalités qui permettent de faciliter la coordination des activités et la coopération entre les différents acteurs impliqués dans un chantier. Cet axe technique reposera sur la réalisation d’un état de l’Art recensant les outils existant en la matière, mais également sur l’observation concrète des pratiques des utilisateurs. Un axe « sociologique » qui s’emploiera d’une part, à comprendre et à analyser les contextes organisationnels de coopération entre les activités et des corps de métiers hiérarchisés et, d’autre part, à bien identifier et analyser les conditions de mise en œuvre de la maquette numérique dans le cadre de chantiers. Nous porterons une attention particulière aux chantiers où sont impliquées des TPE/PME.
Méthodologie
Notre méthodologie sera basée sur une approche quasi ethnographique du travail de conception et de réalisation, en nous appuyant sur deux principaux outils de recueil de données : l’observation ethnographique et l’entretien sociologique (semi directif et approfondi). Nous effectuerons des observations de situations de travail sur des chantiers utilisant la maquette numérique. Elles porteront sur différents corps de métiers, allant de la conception à la réalisation des bâtiments, ce qui nous permettra de comprendre la manière dont chacun travaille. Afin de mieux appréhender les modes de coopérations et de coordination entre ces corps de métiers, nous réaliserons également des observations lors des réunions de chantier. Cette technique d’enquête consiste à recueillir, in situ, des informations visuelles et auditives qui permettent de mieux saisir les interactions (ou les absences d’interaction) entre les acteurs concernés, mais aussi la manière dont ces acteurs mettent en œuvre les outils innovants. Ces observations seront complétées par des entretiens approfondis menés auprès d’acteurs impliqués dans les chantiers. L’analyse des données recueillies permettra de repérer les débats et les contraintes perçues, les enjeux identitaires liés à la mise en œuvre de procédures innovantes.
Ce travail d’enquête socio-ethnographique, réalisé par les sociologues de Citeres et d’Etics, bénéficiera de l’appui et de l’expertise des chercheurs Laboratoire d’Informatique (LI) EA 6300/ERL CNRS 6305.
Terrain d’enquête
Le présent projet est adossé à un projet démonstrateur qui a pour objectif de tester l’utilisation de la maquette numérique dans des conditions réelles de réhabilitation et/ou de construction neuve de logements sociaux. L’accès privilégié à ces chantiers, garantie par les partenaires des projets BATIR et OSMOSE I-novation, nous offre l’occasion de pouvoir observer au plus près les différentes étapes d’un processus constructif et les relations qui se nouent entre les différents acteurs. La durée du projet BATIR (36 mois) devrait permettre d’observer un processus complet des phases de conception jusqu’à la réception des travaux.
Autres membres de CITERES
Christèle Assegond, sociologue, Ingénieur de recherche, chercheur associée
Estelle Durand, sociologue, Ingénieur de recherche, chercheur associée
Jean-Philippe Fouquet, sociologue, Ingénieur de recherche, chercheur associé
Partenaires académiques
ÉA 2101 LI Laboratoire d’Informatique, Université François Rabelais, Tours
Centre d’Expertise et de Transfert Universitaire (CETU)-ETIcS Université François Rabelais, Tours http://etics.univ-tours.fr