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La dimension spatiale de l’intégration sociale des migrants d’origine rurale à Sana’a - Yémen.
Thèse commencée en 2002
En 1990, Sanaa devient la capitale du Yémen réunifié et renforce son pouvoir décisionnel. Or, cette même année, la Guerre du Golfe secoue la région. Les prises de position du président de la jeune République du Yémen engendrent indirectement le retour forcé de plus de 780 000 migrants d’Arabie Saoudite. Ces derniers gagnent majoritairement la capitale. Certains désirent conserver le mode de vie urbain auquel ils ont pu s’accoutumer dans le pays voisin, d’autres, revenus appauvris, choisissent Sanaa pour fuir la pauvreté des campagnes. L’arrivée de cette population nouvelle bouleverse les modes de sociabilité dans la capitale, qui, au début du siècle, a encore des allures de village fortifié . Nous avons donc affaire à une ville sans réelle cohésion sociale et dont l’identité est encore très plurielle. La recherche d’une identité commune dans une nation nouvelle, fait du cas yéménite un exemple particulier. Dans ce contexte, l’observation du comportement spatial de la population migrant vers cette jeune capitale se révèle tout à fait intéressante pour étudier la construction d’un territoire et de l’identité qui l’accompagne.
Cette recherche, fondée sur un important travail d’enquête (observation, entretiens, statistiques officielles ?), a pour objet de montrer comment, par sa connaissance de l’espace et des rites sociaux qui y ont cours, un migrant peut atténuer son altérité aux yeux des membres de la société dans laquelle sa migration le pousse à évoluer.
Nous analysons ainsi les itinéraires migratoires susceptibles d’amener un migrant à se rendre à Sana’a et la part de l’individu dans la prise de décision et l’élaboration de sa stratégie migratoire. Ainsi, nous sommes amenés à explorer les ressources spatiales (représentation, espace de vie, territoire ?) dont disposent les migrants et le capital dans lequel ils doivent puiser pour mettre cette stratégie au point.
Vient ensuite l’expérimentation de la ville par les migrants. Elle commence, à travers la parole donnée aux intéressés, par la confrontation entre un "Ailleurs" que représentait Sana’a et une réalité, la découverte d’une socialisation nouvelle dans un espace territorialisé par une société en place. Ils nous montrent ce qu’ils ont dû apprendre du fonctionnement de ce territoire et nous permettent ainsi de faire une lecture spatiale de leur apprentissage de la ville à travers les lieux qui la composent et la signification qu’ils leur assignent, de leur territorialisation de l’espace urbain. La dialectique intériorisation/extériorisation d’un savoir a ici une place centrale et nous donne l’occasion de parcourir les rôles sociaux et leur spatialisation dans la ville de Sana’a dans les différents cas de migrations. Cela nous amène sur le terrain de la citadinisation et le lien ténu unissant espace et savoir faire social dans une logique d’intégration.
Enfin, nous montrons comment la disparition de l’"Autre" peut se faire par son comportement spatial pour pouvoir accéder à l’entre-nous qui forme une société urbaine dont les membres se reconnaissent mutuellement.
Se posent, pour conclure, les questions de l’instrumentalisation de l’intégration en vue d’atteindre un but précis (entrée en politique, respectabilité ?) et de la citoyenneté comme suite de l’intégration sociale.