CITERES


Partenaires

Logo CNRS
Logo Université François Rabelais



logo MSH Val de Loire
logo INRAP

Accueil du site > Doctorants > Passarrius Olivier

lat

Passarrius Olivier

Vilarnau. Etude archéologique d’un village et d’un cimetière paroissial en Roussillon (IXe - XVe s).

Thèse soutenue le 30 juin 2006
Direction : Elisabeth Zadora-Rio

L’étude de la naissance villageoise et plus particulièrement du « village ecclésial » n’était alimentée, il y a peu de temps encore, que par les sources écrites obligeant à aborder le sujet à partir de problématiques issues de la seule analyse des textes. En l’absence de fouilles exhaustives, les sondages archéologiques ou les fouilles partielles n’avaient alors pour objectif que de vérifier certains modèles ou de fournir une image matérielle à une réalité historique qui n’était pas celle de l’archéologie. La fouille du site de Vilarnau, qui s’est déroulée de 1996 à 2003, fournit une autre vision, archéologique cette fois-ci, de la formation du village groupé autour de l’église. Vilarnau (Perpignan, Pyrénées-Orientales) est mentionné pour la première fois dans les textes au XIe s. et se structure rapidement en trois pôles nettement distincts mais proches les uns des autres de moins de 500 m : un pôle castral tenu en fief pour les seigneurs de Canet (Vilarnau d’Avall), un pôle ecclésial organisé autour de l’église Saint-Christophe et de son cimetière (Vilarnau d’Amont) et enfin un deuxième pôle castral (Vilarnau d’Amont), situé à environ 300 m de l’église et tenu en fief pour l’abbaye cistercienne de Vallbone. La fouille de sauvetage réalisée en 1998 sur un tracé routier a concerné une partie du village castral de Vilarnau d’Avall ; elle a été rapidement suivie par une fouille archéologique préventive, transformée en opération programmée, du village de Vilarnau d’Amont, de son église et de son cimetière. Ces recherches ont permis de mieux comprendre le processus de formation villageoise, le rôle de l’église, du cimetière et du château dans le regroupement des populations. Elles ont permis d’appréhender également la structure et l’équipement domestique des maisons paysannes. L’étude archéologique quasi-exhaustive de ce village polynucléaire permet d’en retracer l’histoire, depuis sa naissance au IXe s. autour de l’église jusqu’à son abandon au début du XIVe s. Les données de terrain sont enrichies par une analyse des documents écrits conservés en archives : rares pour les XIe-XIIIe s., ils deviennent plus abondants à la fin du Moyen Âge. Quatre thèmes principaux constituent les objectifs de cette recherche :
- l’organisation du peuplement et le rôle des pôles - un, et sans doute deux châteaux, avec motte, fossés, basse-cour - l’église, le cimetière ; les rythmes et ruptures de la croissance et du déclin de ces noyaux ;
- l’organisation et la gestion du cimetière de Vilarnau d’Amont et ses relations avec la formation du village ;
- la maison paysanne, son évolution et son intégration dans l’espace villageois ;
- l’intégration d’une vision plus large, celle du finage villageois tout entier. L’église de Vilarnau existe déjà à l’extrême fin du IXe s. et est dotée d’un cimetière. L’installation d’un habitat à ses abords intervient dans le courant de la seconde moitié du Xe s. et les causes de ce regroupement, si longtemps associées dans les contrées méridionales à la « révolution féodale » et au climat d’insécurité qui en découle, apparaissent en réalité moins déterminées, supposant un processus plus étalé dans le temps et aux origines multiples. Sur ce point, la fouille de Vilarnau offre la possibilité d’observer ce premier regroupement - fait d’habitats sommaires et de silos qui empiètent sur le cimetière - en même temps qu’elle complique et enrichit un modèle historique pourtant clairement mis en évidence par les textes. Cette étude s’intéresse aussi aux facteurs à l’origine de la structure polynucléaire du village et à l’histoire des deux seigneuries. Les fouilles ont permis d’établir l’absence de permanence de l’habitat, sa mobilité entre les différents pôles et le poids de l’aristocratie locale sur la matrice même du village. Le village se constitue bien autour de l’église et l’habitat qui s’installe là dès la seconde moitié du Xe s. est abandonné bien avant les prémices du XIIe s., au moment justement où apparaissent autour du château de Vilarnau d’Avall, à l’intérieur d’une basse-cour déjà cantonnée par un fossé et un rempart, les premières habitations. Le château, qui s’affirme alors comme pôle de peuplement, rallie des populations jadis groupées autour de l’église et du cimetière. L’intérêt du cimetière tient d’abord et avant tout au fait qu’il ait été presque intégralement fouillé. La connaissance de l’environnement funéraire des églises paroissiales en contexte rural se limite, si l’on écarte les études partielles ou les sondages, aux seuls exemples de Rigny-Ussé en Indre-et-Loire ou à celui de Tournedos-Portejoie dans le Calvados. Avec près de 900 tombes fouillées, Vilarnau fournit des éléments nouveaux pour la connaissance des grands ensembles funéraires du Moyen Âge classique et livre des données sur l’organisation de la zone funéraire, sa gestion, les pratiques funéraires ou la typo-chronologie des sépultures. La mise en phase chronologique d’une partie des sépultures permet de retracer l’histoire de la zone funéraire, depuis l’apparition des premières tombes à la fin du IXe s., jusqu’aux dernières inhumations à l’orée du XVe s. Le « premier cimetière » (IX-XIe s.) occupe la totalité de l’espace fouillé et livre plusieurs sépultures qui se distinguent par l’utilisation de meules de moulins comme matériaux de couverture. Il ne serait pas alors surprenant de retrouver dans ces tombes, situées au plus près de l’église et manifestement plus soignées que les autres, la marque du statut social de ces individus de leur vivant. À partir des XIe-XIIe s., apparaissent de véritables constructions qui jalonnent la surface du cimetière. Ces radiers maçonnés, affleurant de quelques centimètres au-dessus du sol, sont regroupés en deux ensembles distincts, signalés chacun par une croix. Ces emplacements, qui semblent être utilisés pendant plusieurs générations, sont gérés, entretenus et parfois vidés comme l’indique la présence de réductions et d’ossuaires. L’étude montre que l’organisation du cimetière est conditionnée aussi par les liens de parenté, qui s’expriment plus nettement chez les plus aisés. C’était là l’un des enjeux de la fouille du cimetière de Vilarnau même si les indices réunis, basés sur l’étude de la tombe ou des caractères discrets, restent partiels et interdisent toute généralisation. Par contre, certains regroupements se font jour et sont fondés cette fois sur l’âge au décès, en l’occurrence l’âge de raison ou de confirmation, qui apparaît comme étant le critère discriminant pour l’inhumation des jeunes enfants dans certains endroits du cimetière, comme autour du chevet de l’église. Les prospections archéologiques menées autour de Vilarnau, l’analyse des photos aériennes, des plans anciens et des textes permettent également de replacer le site au cœur de son territoire et de suivre, depuis l’Antiquité romaine, les évolutions et les ruptures dans l’occupation du sol. Durant le haut Moyen Âge, plusieurs siècles d’atonie ont contribué à effacer toute trame antique : seules les grandes voies anciennes de circulation ont subsisté fournissant, à partir des IXe-Xe s., la nervure d’une nouvelle organisation territoriale en polarisant, parfois durablement, des installations humaines comme celle de Vilarnau. Dans ce travail, les apports respectifs des textes et de l’archéologie à la connaissance du site et du territoire ont été volontairement traités de façon indépendante et symétrique avant d’être confrontés et soumis à la critique dans la seconde partie de ce mémoire. Cette démarche avait pour objectif de produire une réflexion sur l’apport de chacune des grandes sources de l’histoire (textes et archéologie), sur leurs lacunes et leur complémentarité, pour l’étude du peuplement et de la structuration villageoise. L’évolution de notre connaissance du site tout au long de l’avancée de la fouille, les erreurs d’interprétations engendrées par l’utilisation unique ou partielle de chacune des sources, livrent également des enseignements quant à certains facteurs de distorsion susceptibles de fausser les résultats des études de cas partielles dont on tire pourtant de vastes synthèses. Cette démarche n’a pas pour objectif de vanter les vertus heuristiques de l’étude monographique mais plutôt de démontrer l’urgence de lui redonner toute sa place.