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Weisse Wanda

Perception des réalisations architecturales dans les régions annexées, de 1871 à 1918, au sein du débat public et médiatique francophone

Thèse soutenue le 17 décembre 2008
Direction : Pascal Sanson

En 1871, six arrondissements de la Moselle et de la Meurthe étaient annexés à l’Empire allemand et immédiatement associés à l’Alsace pour former la terre d’Empire d’Alsace-Lorraine (Reichsland Elsass Lothringen). Dans ce nouveau cadre, la Lorraine (Lothringen) fut érigée en présidence (Bezirkpraesidium) au même titre que la haute Alsace et la basse Alsace. Afin de légitimer la dynastie des Hohenzollern et d’asseoir son autorité dans ces nouveaux territoires, l’Empire allemand, ayant à sa tête Guillaume Ier puis Guillaume II, développa une politique architecturale ambitieuse, notamment à Strasbourg. Destinée à symboliser le génie et le savoir-faire allemand, cette architecture marqua dans la pierre la germanité du Reichsland Elsass-Lothringen. La cession des territoires à l’Empire d’Allemagne par le traité de Francfort entraîna un brassage de populations sans précédent- avec le départ de nombreux Alsaciens-Lorrains et l’arrivée en masse d’immigrés allemands- et une profonde modification des règles du pouvoir local, permettant l’élaboration d’un urbanisme audacieux. Non seulement des monuments majestueux se multiplièrent, mais le tissu urbain lui-même, en particulier lors des grandes percées, se trouva redéfini. Il va de soi que le contexte particulier de l’Alsace-Lorraine favorisa une appréhension de l’architecture comme emblème politique, à travers l’historicisme notamment. L’objet de notre analyse est double : tout d’abord, il s’agit de retracer et comprendre, sur cette terre disputée, les étapes, les modalités et les résultats de cet affrontement entre deux civilisations, l’allemande et la française, à travers les commentaires et prises de positions de la presse et de la littérature francophone de l’époque. L’analyse mettra en lumière le fait que la conception française de la nation constituait l’un des éléments majeurs qui expliquaient, du côté français, la permanence d’un problème alsacien-lorrain, alors que, de l’autre coté du Rhin, au nom même de la théorie ethnolinguistique de la nation, on considérait que le Traité de Francfort avait résolu ce problème. Aussi, la question d’Alsace-Lorraine se trouve-t-elle au cœur du problème de la conception de la nationalité, cette « fausse idée claire » selon Henri Hauser, à laquelle France et Allemagne se trouvent étroitement mêlées. C’est d’ailleurs à propos de ces régions que se sont clairement définies les deux conceptions de la nation, conceptions fondées l’une sur l’acte conscient de volonté, l’autre sur une appartenance instinctive concrétisée par l’usage d’une même langue. Il sera intéressant d’étudier la confrontation de ces deux théories avec l’appui de textes de l’époque, littéraires pour certains mais essentiellement journalistiques et de propagande donc par principe totalement subjectifs. La question d’Alsace-Lorraine (die Elsass-lothringische Frage) est un problème de relations internationales. Au traité de Francfort, la France avait cédé l’Alsace-Lorraine à l’Empire allemand ; cette signature l’engageait vis-à-vis de la communauté internationale qui avait reconnu comme légitime la souveraineté allemande sur l’Alsace-Lorraine. Or, l’opinion française dans sa majorité n’avait pas accepté les « faits accomplis » ; elle considérait le traité de Francfort comme une injustice et aspirait au retour des « provinces perdues ».

D’autre part, nous verrons que cette conviction, associée à la non reconnaissance de la légitimité de l’annexion et au refus de se voir attribuer la nationalité allemande, déterminera les modalités du regard porté par les annexés sur les réalisations architecturales allemandes. Par ailleurs, ne pouvant s’identifier à ces lieux nouvellement crées, ne pouvant les « habiter » au sens authentique et psychologique, les populations annexées ressentent un sentiment de mal-être et d’aliénation qui transparaît dans les écrits de l’époque. Ces sentiments sont également déterminants dans la façon dont les populations annexées vont appréhender et juger les réalisations architecturales allemandes au sein du Reichsland