Résumé :

Face au déclin alarmant de la diversité biologique, de nombreuses études ont mis en lumière un risque d’extinction plus élevé des groupes taxonomiques présentant des capacités de dispersion moindres comme certains reptiles et amphibiens. Ils seraient moins en mesure de suivre les changements de favorabilités induits par le changement climatique. Les modèles de distribution, par leur capacité à simuler les réponses potentielles des espèces face aux changements environnementaux selon différentes échelles spatiales et temporelles, suscitent un engouement grandissant. Néanmoins ces approches nécessitent d’être améliorées afin de tendre vers des prédictions biologiquement plus réalistes. Or, l’intégration conjointe de paramètres liés à la variabilité intraspécifique, aux capacités de dispersion, à la structure du paysage, aux interactions biotiques, reste anecdotique voire absente pour certains taxons. Les objectifs de cette thèse sont (1) démontrer la pertinence de l’intégration de ces paramètres dans les modèles, afin de (2) mieux comprendre les patrons de réponses de distribution d’ectothermes d’Europe de l’Ouest. Ces taxons étant pour la plupart en mauvais état de conservation nous chercherons (3) à anticiper leurs conservations pour les prochaines décennies. Tout d’abord, en intégrant le niveau intraspécifique au sein des modèles, nous avons démontré que les prédictions sont biologiquement plus cohérentes puisqu’une plus grande importance est accordée aux réponses populationnelles qui auraient été diluées au sein d’une réponse globale. Grâce à cette approche nous avons été mesure d’identifier les mêmes refuges glaciaires pour Bombina variegata que ceux inférés à l’aide d’études génétiques. La seconde étude centrée sur Lacerta agilis et Lacerta bilineata, a montré dans un contexte de redistribution des aires de distribution, que le changement climatique engendrerait davantage de perte d’habitats favorables que l’exclusion compétitive au sein des zones de sympatries futures. Ensuite, nous avons simulé la potentielle remontée altitudinale de Bombina variegata dans les Alpes à l’aide d’un modèle centré sur les processus pour tenir compte des traits d’histoire de vie propres à deux écotypes divergents. Nous avons démontré dans cette étude que des différences de stratégies évolutives peuvent conduire à des réponses de distribution contrastées. Cependant, contrairement à ce qui était supposé, les sonneurs à ventre jaune qui présentent des traits d’histoire de vie leur permettant de faire face aux perturbations anthropiques semblent être moins en mesure de suivre le déplacement des zones climatiquement favorables. L’explication principale réside dans leur faible longévité, les rendant plus sensibles aux évènements aléatoires ainsi qu’à la diminution graduelle de la favorabilité climatique de leurs habitats actuels. La dernière étude s’est intéressée à la connectivité du paysage, entre les occurrences de Hierophis viriflavus, L. bilineata, Natrix maura, Triturus marmoratus et Zamenis longissimus et leurs aires climatiquement favorables dans le futur au sein de leurs marges de répartition. Seules deux des cinq espèces semblent être potentiellement en mesure de coloniser de nouveaux habitats. Ces résultats s’expliquent d’une part par la faible favorabilité climatique future mais également par la faible connectivité en marge de répartition. Ainsi, puisque le déplacement des aires climatiquement favorables excèdera les capacités de dispersion des espèces au sein du paysage, nous nous attendons à un futur lag de redistribution. Enfin, nous discuterons de la pertinence et des applications pratiques de ces modèles dans le contexte actuel de redistribution des espèces en réponse aux changements globaux et mais également de leur utilité pour la gestion d’espèces à fort enjeux de conservation.