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Circulation et diffusion monétaire chez les Turons et les Carnutes au Second Age du Fer
Depuis le XIXe siècle, où les premiers écrits concernant les monnayages turon et carnute ont été publiés, les découvertes monétaires de l’époque gauloise se sont multipliées au nord de la région Centre sans toutefois faire l’objet d’une synthèse. Cet oubli est ici réparé.
Ce travail est en effet la synthèse et l’analyse des monnayages turon et carnute à l’époque gauloise, de leur apparition au IVe-IIIe siècle av. J.-C. jusqu’à l’interdiction de leur utilisation au Ier siècle de notre ère. Le dynamisme archéologique en Loire moyenne était propice à cette étude qui compile ainsi de nombreuses données anciennes mais aussi de nombreuses données récentes issues du préventif. C’est donc avec un corpus conséquent que ce travail a été mené.
Les territoires turon et carnute s’inscrivent au centre de la Gaule entre de deux grands axes que sont la Loire et la Seine. Cette zone est fondamentale pour la compréhension du fonctionnement des systèmes d’échanges en Gaule mais aussi entre la Méditerranée et le nord de l’Europe à La Tène finale. Ces réseaux d’échanges ont pu être mis en lumière une fois qu’un référentiel typo-chronologique a été établi pour chaque territoire avec pour focale à la fois l’origine et la fonction de la monnaie.
Nous avons établi également que les monnayages locaux se développent au IIe s. av. J-C., avec l’apparition de séries en potin et en or, suivie de près par l’apparition des bronzes frappés. Le monnayage turon est somme toute homogène, avec une forte dominance des potins à la tête diabolique, et peu ouvert tandis que celui des Carnutes est plus complexe et fortement pénétré par les monnayages exogènes. Au niveau local, nous avons pu percevoir au sein du territoire carnute une multiplicité de pouvoirs émetteurs, qui apparaissent au Ier s. av. notre ère et un site majeur qui serait Orléans-Cenabum. C’est la présence de monnaies grecques et romaines des IVe-IIIe siècles avant notre ère qui indique la précocité de cette place commerciale et qui en fait un pôle économique d’envergure. C’est dans le port de Cenabum, le plus important à l’échelle régionale (Strabon le décrit comme emporium), que se concentrent les importations de Méditerranée et de Gaule centrale. Le site semble donc centraliser pouvoir et richesses dès le IIe siècle av. n. è.
En ce qui concerne les fonctionnalités monétaires, elles ne sont pas différentes d’une série à l’autre. Certaines se retrouvent principalement en contexte cultuel mais rien n’indique que la fonction cultuelle domine les autres. De même, il est possible d’établir une relation entre le statut d’un site et la présence de monnaies bien que cela soit complexe au sein des habitats ruraux.
Enfin, en ce qui concerne les réseaux politiques et économiques visibles à travers les faciès et les cartes de répartition, on constate d’une part une évolution chronologique, d’autre part géographique. L’exemple des potins à la tête diabolique est dans ce domaine très particulier. Il a pu ainsi être mis en évidence que le monnayage turon est très concentré en Touraine et ses marges et se retrouve principalement dans le Centre-Ouest. Le monnayage carnute circule quant à lui principalement vers le Nord, surtout en Picardie, ainsi qu’aux abords de la Méditerranée, comme les potins à la tête diabolique au Ier siècle av. n. è. Comme le mentionne César, des liens particuliers politiques et commerciaux existent entre les peuples picards, notamment les Rèmes, et les Carnutes. Les déplacements de marchands et surtout de soldats expliquent également que certaines séries aient été découvertes aussi éloignées de leur zone d’émission. La fonction religieuse du territoire carnute explique aussi sûrement la large diffusion de leurs monnaies.