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« L’espace communautaire des Druzes du Sud de la Syrie : des stratégies de création d’un territoire à celles de la mobilité »
La question de l’espace communautaire est centrale dans notre étude qui porte avant tout sur le lieu de vie principal des Druzes en Syrie, la mohafaza de Sweida. La région administrative de Sweida correspond à l’espace sur lequel sont venues s’ancrer à partir du 18e siècle différentes vagues migratoires druzes originaires de la montagne libanaise. Sur cette marge ottomane, les Druzes construisirent une société montagnarde armée, rebelle au pouvoir et repliée sur ses pratiques socio-religieuses ; la communauté donna son nom à la montagne, le Djebel Druze. Ici, pas de peuplement de type front-pionnier, pas de politiques migratoires planifiées qui auraient un quelconque rapport avec les décisions d’un pouvoir allogène centralisateur. La production du territoire correspond alors à l’appropriation spatiale d’une minorité religieuse en lutte pour sa survie et à l’identité bien marquée reposant sur son particularisme religieux. Communautarisme et marginalisation se retrouvent pour se combiner autant au niveau spatial que social et continuent à caractériser jusqu’à aujourd’hui le groupe et son espace, comme le montrera l’étude des réseaux commerciaux, migratoires ou relationnels ainsi que les discours nés des perceptions souvent subjectives des sociétés voisines mais qui conditionnent leurs rapports à la communauté druze. Peu à peu subordonnée au pouvoir central avec la mise en place d’un Etat fort et proche (époque mandataire), cette marge devient marche, puis périphérie délaissée en recherche d’intégration avec l’indépendance syrienne et la construction d’un Etat-nation. A cause du cloisonnement étatique que nous venons d’évoquer, la région de Sweida a continué à être un lieu de départ vers des destinations très variables. L’étude globale de la mobilité de l’ensemble de la communauté druze (dans les trois pays arabes où elle est en perpétuelle relation) révèle des différences importantes entre chaque sous-communauté nationale mais également entre les divers groupes de peuplement druze au sein d’un même Etat. Les contextes particuliers dans lesquels ces groupes évoluent ont donné lieu à des systèmes migratoires distincts. Les Druzes syriens se rendent alors en Palestine (sous tutelle britannique) et des pionniers partent vers l’Amérique latine (Mexique, Brésil ?) dès la fin des années 1910, retrouvant des coreligionnaires libanais. Les années 1940 et 1950 sont celles de l’émigration africaine (Nigéria) et de la ruée vers le Vénézuela. Dans les années 1970, la rente pétrolière attire la main-d’oeuvre vers le Golfe. La migration druze syrienne est alors devenue massive, touchant toutes les familles du Djebel à partir de cette période. Si les migrations sont, comme le disent les auteurs de référence sur ce thème , un élément fondamental de mutation dans l’organisation de l’espace moyen-oriental, il est important d’analyser en quoi elles ont modifié l’espace communautaire des Druzes en Syrie. Il semble donc que l’espace communautaire druze ait aujourd’hui considérablement évolué vers un morcellement toujours croissant de la communauté à l’échelle mondiale. Quelles sont les conséquences de la mobilité sur le territoire druze de Syrie, héritage d’un passé où le fait communautaire était prédominant ? Comment fonctionnent alors les réseaux que nous avons présentés comme vitaux pour la cohésion sociale de la communauté ? Comment peut-on encore être Druze loin de son espace de référence identitaire ?
Le jury est composé de :
Fabrice Balanche, Maître de Conférences, Université Lyon II
Marc Lavergne, Directeur de recherches, CNRS, GREMMO, Lyon II [rapporteur]
Emmanuel Ma Mung, Directeur de recherches, CNRS, MIGRINTER, Poitiers [rapporteur]
Bouziane Semmoud, Professeur, Université Paris VIII
Pierre Signoles, Professeur émérite, Université de Tours [Directeur de la thèse]