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Jacquet Gaëlle

La forêt en Val de Loire aux périodes préindustrielles : histoire, morphologie, archéologie, dendrologie, l’exemple de l’Indre-et-Loire (10e-16e siècle).

Thèse soutenue le 24 mars 2003
Direction : Joëlle Burnouf

Quelle est la dynamique des rapports de la société et de la forêt en Touraine au Moyen Age ? Peut-on parler de gestion de l’espace et du milieu forestiers ?

Pour répondre à ces questions, différentes sources ont été utilisées : sources manuscrites et cartographiques, utilisées notamment dans le cadre d’une analyse de morphologie parcellaire, archéologie et dendrologie.

Sont d’abord analysées en détail deux forêts, celles de Loches et de Bréchenay, qui ont servi de référence pour le reste du propos. Nous caractérisons ensuite la forêt au Moyen Age en Touraine (vocabulaire qui la désigne, localisation, limites, insertion dans les paysages). Nous étudions également l’exploitation des ressources forestières. Sont exposées les ressources végétales et animales offertes par les forêts tourangelles et leurs modes de gestion. Est ensuite étudiée la consommation d’une ressource particulière, le bois, en tant que matériau de construction et combustible. Sont mis en évidence notamment les besoins croissants des villes, qui aboutissent à l’augmentation de la fréquence des coupes de bois dans les forêts tourangelles à partir du XIIIe siècle au moins et à la mise en place d’un véritable marché du bois à la fin du Moyen Age, qui reste cependant local car les ressources forestières sont suffisantes. Une certaine spécialisation des forêts est observée en fonction des débouchés possibles ; taillis de châtaignier dans les zones de vignoble du nord de Tours, développement de la production de verre et de fer dans les forêts de la périphérie du département par exemple.

Nous abordons ensuite l’impact de cette exploitation sur les forêts. Les traitements et pratiques sylvicoles et leurs effets sont détaillés, à partir des données textuelles et dendrologiques. Ces données, qui correspondent aux courbes de croissance d’arbres issus de charpentes tourangelles, permettent de proposer des pistes de recherches prometteuses sur la caractérisation des forêts dont proviennent le bois d’ ?uvre au Moyen Age. Il s’agirait surtout, notamment à partir du XIIIe siècle, d’arbres poussés sur souche dans des forêts qui sont globalement plus denses que les forêts actuelles. Des évolutions semblent également perceptibles au cours de la période étudiée, mais des prélèvements complémentaires seront nécessaires pour affiner le repérage des variations de la production moyenne de bois durant le Moyen Age. Sont abordées également la question de l’évolution des peuplements (notamment la dynamique chêne/hêtre) et celle de la dégradation de la forêt : si les peuplements ont pu dans certains cas se détériorer, cette évolution n’est pas vécue comme une dégradation durant le Moyen Age. C’est seulement au début du XVIe siècle que la pression démographique provoque une dégradation suffisante des peuplements pour pousser les propriétaires à modifier les conditions d’accès à la ressource forestière (limitation des droits d’usage). On peut alors parler de crise, même si l’approvisionnement reste local.

Enfin, nous abordons la traduction spatiale de la dynamique société/forêt. Sont notamment étudiés les facteurs qui peuvent influencer l’évolution de la surface forestière, la chronologie des défrichements et des reconquêtes forestières, l’ampleur et les acteurs des défrichements : ils existent du Haut Moyen Age au Bas Moyen Age dans la zone étudiée et concernent aussi bien les laïcs que les ecclésiastiques. Sont également étudiées les formes du défrichement, notamment grâce à l’étude du parcellaire.

Au terme de ce travail, on peut donc dire que la dynamique des relations société/forêt au Moyen Age en Touraine est liée à une imbrication de facteurs naturels et culturels : climat, sols, dynamique des populations humaines et animales, facteurs économiques, politiques, symboliques, logiques des différents acteurs, etc., d’où l’intérêt d’une approche interdisciplinaire pour en saisir la complexité. Les différentes sources renvoient d’ailleurs une image contrastée de la forêt médiévale, qui présente différents faciès en fonction de l’utilisation qui en est faite (production de bois d’ ?uvre, espace de pâturage, production de bois de chauffage...) et de son statut juridique. Les XIIe et surtout XIIIe siècles voient une modification des rapports de l’homme et de la forêt en Touraine car le bois devient un enjeu économique important, tendance qui se renforce au cours des siècles suivants et qui pousse à modifier les pratiques et traitements sylvicoles. On peut donc parler d’une gestion de la forêt à l’époque médiévale en Touraine, car on prend en compte la préservation de la ressource, et l’on adapte l’exploitation de la forêt à l’évolution des besoins ; mais les choix sylvicoles effectués et la pression démographique perturbent progressivement ce système de gestion dont le XVIe siècle semble marquer la limite. On recherche alors un nouveau mode d’exploitation, ce qui se traduit notamment par une limitation des droits d’usages et parallèlement par une extension des défrichements.