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Aboukorah Omnia

La sauvegarde du patrimoine architectural et urbain de la vieille ville du Caire. Enjeux et modalités

Thèse soutenue le 8 juillet 2006
Direction : Pierre Signoles

L’Unesco a classé la vieille ville du Caire sur la liste du patrimoine Mondial de l’Humanité en 1979. Mais la communauté internationale n’a pas seulement adopté l’héritage du plus grand ensemble de monuments arabo-musulmans du monde, mais aussi un espace surpeuplé, pollué par la présence de nombreuses petites entreprises industrielles et un parc immobilier en grande majorité délabré. Le système de gestion de ce parc, presque millénaire, a connu durant le siècle dernier une série de bouleversement qui compromet aujourd’hui toutes les tentatives de sauvegarde ou de mise en valeur du patrimoine architectural et urbain dans la vieille ville du Caire. En Égypte, depuis le Xème siècle et jusqu’au début du XIXe, les pratiques patrimoniales sont essentiellement liées à la nécessité de perpétuation, de waqf (fondations pieuses). C’est en effet dans le cadre de la gestion de waqf que la majorité des édifices composant le paysage architectural et urbain de la ville furent conservés et transmis, de génération en génération. Le processus de patrimonialisation de la vieille ville du Caire s’est donc développé, durant cette période, dans un contexte spécifique. Cependant, depuis la création de la première institution patrimoniale – le Comité de Conservation des Monuments de l’Art Arabe –, à la fin du XIXe siècle et durant le siècle dernier, ce processus n’a pas continué à évoluer dans ce contexte — celui de la perpétuation de waqf. Au contraire, il s’en est peu à peu écarté, sans pour autant que les pratiques de sauvegarde ne parviennent à correspondre aux critères internationaux de monumentalité aujourd’hui adoptés. Et c’est pourquoi tant l’État que les praticiens égyptiens de la sauvegarde sont aujourd’hui confrontés à deux problèmes majeurs : perpétuer des waqf et conserver un Patrimoine mondial de l’Humanité.

Au cours de cette dernière décennie (1996-2006), la mise en valeur des édifices et quartiers historiques a connu un rythme accéléré. En effet si, depuis le XIXème siècle, monuments et quartiers dits historiques ont fait l’objet de multiples interventions (restaurations, rénovations, réaménagements, etc.), jamais autant d’opérations de types et d’échelles si variés ne furent entreprises dans le même temps. Celles-ci sont mises en œuvre dans le cadre d’un vaste programme : le « Programme National de Conservation et de Développement du Caire Historique ». La spécificité du moment actuel réside donc dans l’ampleur et la rapidité avec lesquelles sont menées les interventions et, donc, dans l’ampleur et la rapidité avec lesquelles des objets, des monuments, des vestiges en viennent à acquérir une valeur qu’ils ne possédaient pas vraiment, même lorsqu’ils étaient classés ; quand leur évidence quotidienne faisait que leurs contemporains (ceux qui les utilisaient, les habitaient, les parcouraient) ne les voyaient même pas. Ainsi, le patrimoine pose aujourd’hui le problème du rythme auquel il est inventé, produit, fabriqué, mais aussi celui de la transmission de son sens. Le « Programme National de Conservation et de Développement du Caire Historique » s’impose aujourd’hui comme la seule réponse à l’absence d’« unanimité conceptuelle » à propos de l’art et la manière de sauvegarder un patrimoine architectural et urbain essentiellement composé de waqf. Mais il doit également tenter de répondre au mot d’ordre international de ces dernières années, le « devoir de mémoire ». Le musée de plein air, en cours d’aménagement, marque le lieu de cette opération patrimoniale. C’est pourquoi nous proposons dans le cadre de cette thèse d’explorer la question de la réception (et du positionnement) des intellectuels et praticiens égyptiens de la sauvegarde du (et par rapport au) débat proprement européen qui présente le concept de patrimoine comme le seul cadre de pensée pertinent en vue de l’aménagement des quartiers historiques. Nous proposons par ailleurs d’étudier non pas l’histoire des institutions patrimoniales et des organismes de gestion de la vieille ville, mais celle du rôle joué par les Hauts fonctionnaires d’État égyptiens en charge de la gestion et de la sauvegarde de la vieille ville, dans le façonnement de l’idée de patrimoine. Ce sont en effet aussi bien des professionnels du patrimoine (architectes, historiens de l’art, archéologues, etc.) que des universitaires, mais aussi des anciens généraux ou des cheikhs qui contribuèrent et contribuent aujourd’hui encore à définir le rôle que pourraient et/ou devraient jouer les quartiers historiques au sein de l’agglomération cairote, sur la carte du tourisme international ou sur la scène du patrimoine mondial de l’Humanité. C’est à travers la perception et les pratiques de ces acteurs les plus divers que les quartiers historiques sont planifiés, projetés et réaménagés. Ainsi, nous tentons, dans le cadre de cette thèse, de répondre aux trois questions suivantes : • Que dit la notion de patrimoine – qui s’est imposée, durant les trente dernières années, comme la catégorie englobante et dominante de toute pensée sur le rôle et le devenir des édifices et quartiers historique –, du rapport que l’appareil étatique égyptien entretient avec l’histoire du Caire et avec ses vieilles pierres ? • L’addition et la fusion de notions et d’enjeux attribués à des objets appelés tantôt waqf, tantôt antiquités (arabe, historique, islamique) permet-elle de construire une cohérence – même illusoire – en rassemblant sous le terme de patrimoine des éléments qui n’en relevaient pas naguère ? • La spécificité et le caractère unique du patrimoine architectural et urbain de la vieille ville du Caire résident dans une reconnaissance internationale de sa représentativité, en nombre et en qualité, de toutes les périodes de l’histoire de l’art et de l’architecture arabes. Cette spécificité permet-elle ou empêche-t-elle l’appareil étatique égyptien et son institution patrimoniale d’inventer et de créer, de promouvoir et de vendre, avec toutes les ressources de son autorité et de ses pouvoirs, un patrimoine architectural et urbain (islamique, historique, fatimide), avec les mêmes arguments et les mêmes techniques que celles qui font le succès des rues piétonnes et des parcs d’attractions ? Trois parties structurent cette thèse, intitulées respectivement : I. Le Caire « historique », « fatimide », « islamique » : un processus en cours de (re)définition et de (re)planification. II. Antiquités, Waqf, monuments arabes et quartiers historiques : un processus de patrimonialisation. III. La production du Caire « historique / islamique » à l’œuvre : un processus de muséification.

Nous analysons dans la première partie la teneur du débat amorcé à la fin des années 1990 autour de la mise en œuvre du « Programme National de Conservation et de Développement du Caire Historique » et la manière dont il affleure au niveau du public égyptien. C’est pourquoi nous nous appuierons sur le corpus écrit qu’offre l’un des médias le plus influent en Égypte, la presse écrite nationale – principalement d’informations générales non spécialisées –, laquelle, après la télévision, reste le support médiatique le plus utilisé par la population égyptienne . Nous mettons en évidence dans la deuxième partie de notre thèse comment la question patrimoniale a été peu à peu constituée, par l’addition et la fusion de notions et d’enjeux attribués à des objets d’abord appelés waqf, puis monuments arabes, puis patrimoine architectural et urbain. Nous étudions dans la troisième partie divers aspects de la politique actuelle d’aménagement des quartiers historiques, telle que décidée et engagée pour l’exécution du « Programme National de Conservation et de Développement du Caire Historique », à travers l’analyse de types d’interventions qui diffèrent par l’échelle, le programme, les intervenants et les stratégies qu’ils déploient, et les époques de réalisation. L’analyse de ces interventions nous permettra de démontrer, à partir d’expériences concrètes, à quel point la « sauvegarde », qu’elle ait pour but de « mettre en valeur » certains aspects du paysage urbain, de ranimer des savoir-faire artisanaux ancestraux, de promouvoir le tourisme ou de dynamiser l’économie locale, contribue finalement à la création de nouveaux espaces, dont le nouvel usage, incompatible avec l’ancien, non seulement interdit la survie des groupes sociaux qui l’ont précédemment occupé, mais les vide de la signification symbolique qu’ils ont acquise au cours de l’histoire urbaine.

2. Bibliographie

• 2005, « Between a Secular Management System and International Standards of Protection : the heritage of Cairo’s old quarter », in Museum International nº 225-226, Heritage Landscape of Egypt, pp. 120-128.

• 1999 (a), « Al-Hifaz ‘ala al turath al-mi‘mari wal ‘umrani fi paris, namuzag hay Le Marais », in Al-Hifaz ‘ala al turath al-mi‘mari wal ‘umrani al masri, Le Caire, UAA-Ministère de la Culture,.

• 1999 (b), « Massacreurs de palais, élus corrompus et défenseurs de l’histoire, la destruction des palais et villas à la une des journaux », in Lettre d’Information de l’Observatoire Urbain du Caire Contemporain n° 49, Le Caire, CEDEJ, pp. 47-57.

• 1998 (a), « Les définitions d’un espace au secours de politiques d’aménagement », Lettre d’Information de l’Observatoire Urbain du Caire Contemporain n° 48, Le Caire, CEDEJ, pp. 57-72.

• 1997 (a), Processus de transformation de la vieille ville du Caire, mémoire de DEA Espaces sociétés et villes du Monde arabe, (géographie urbaine) Université François Rabelais, Tours.

• 1997 (b), Éditorial, in Lettre d’Information n°47, décembre, pp.2-8.

• 1997 (c), « Compte rendu du n°13 de la revue Pratiques urbaines : La recherche urbaine en Égypte : un état de la question », par Galila El-Kadi » in Lettre d’Information n°46, avril 1997, pp.13-23.

• 1997 (d), Éditorial, in Lettre d’Information n°47, décembre 1997, pp.2-5.

• 1996, Processus de transformation de la vieille ville du Caire, mémoire de DEA en géographie (Espaces sociétés et villes du Monde arabe), Université de Tours, URBAMA.

• 1995, « Espace d’habitat et espace de travail à Darb al-Ahmar », in Lettre d’Information de l’Observatoire Urbain du Caire Contemporain n°39, pp. 11-20.

4. Conférences, rencontres scientifiques

• Rabat, 21-27 janvier 2002, troisième session d’Études doctorales du réseau des Observatoires Urbains du Pourtour Méditerranéen : « Patrimonialisation, rapport au patrimoine et question urbaine », du 21 au 27 janvier 2002, organisée par le Centre Jaques Berque en collaboration avec l’Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme (INAU) et l’Ecole Nationale d’Architecture (ENA).

• Alexandrie, 2-4 mars 2002, Conférence internationale organisée par BIBLIOTHECA ALEXANDRINA - BA, INTERNATIONAL UNION OF ARCHITECTS - UIA & SOCIETY OF EGYPTIAN ARCHITECTS – SEA, Architecture & Heritage as a Paradigm for Knowledge and Development Lessons of the past, new inventions and future challenges, “ Naissance d’une institution : Le Service des Antiquités Égyptienne, 1835-1953 ”.

• Beyrouth, 24-25 mai 2001, Séminaire organisé par Éric Verdeil (CERMOC-ORBR), en collaboration avec Mercedes Volait (URBAMA) et Taoufik Souami (LTMU-IFU) sur le thème : Cultures professionnelles des urbanistes au Moyen Orient, “ Les planificateurs et les quartiers historiques du Caire, 1950-2000 ”.

• Paris, 7-9 octobre 1999, Colloque international organisé par le laboratoire Espace et Culture UPRESA 8064, l’UMR Espace Géographie et Sociétés et le Centre de recherche sur l’Extrême-Orient de Paris-Sorbonne, sur le thème : Regards Croisées sur le patrimoine dans le monde la fin du XXe siècle,communication : “ Éléments de réflexion sur la préservation du patrimoine historique bâti en Égypte ” (en collaboration avec Galila El Kadi).

• Tours, 1-3 juillet 1999, Conférence organisé par l’AFEMAM sur le thème de Territoires de la société dans les mondes musulmans, atelier Le Caire du singulier au global, communication : “ Émergence des politiqueS de protection du patrimoine architectural et urbain, 1980-2000 ”.

• Le Caire, 18-19 avril 1999, Conférence organisée par l’Union des Architectes Arabes sur le thème de La préservation et la conservation du patrimoine architectural et urbain dans la vieille ville du Caire, communication : “ La politique de protection du patrimoine architectural et urbain, comparaison Le Caire Paris ”.

• Juillet 1997, Séminaire organisé par Robert Mabro et J. C. Vatin, Oxford, St. Anthony’s College sur le thème de Cities Identities Ambiguities, communication : “ Organisation spatiale et projets urbains (1950-1990) de la vieille ville du Caire : modèles, principes et idéal-type ”.